Chapitre 24
La clandestine
Akers se rendit une fois de plus chez Kassie et fit gaffe aux pièges de chasseur dans la forêt. Cependant, il y allait de plus en plus; cette fois était la dernière. Il était temps de prendre la situation mondiale en main. Son destin n’était pas de régner sur Iris comme il l’avait cru quatre mois plus tôt, mais bien de combattre les sorciers qui tentaient sans cesse de voler leurs réserves et leur énergie.
Le prince s’empara de ses habits les plus légers, d’une épée en acier dont le manche était serti d’iris afin d’identifier son origine irisienne et d’un livre des prophéties d’ici d’il y a huit cent ans. Le sac à moitié rempli, il le traîna sur ses larges épaules jusqu’où il avait laissé le dragon rouge. D’ailleurs, ce dernier semblait comprendre ce que son deuxième maître voulait et se pencha afin qu’Akers puisse y déposer soigneusement le sac de toile, sans toutefois s’y installer également, ce qui intrigua Kiztän. Il partit vérifier l’état de Kisiline et de Kassie, mais ne décela pas de changements à part la glace qui fondait autour et créait des flaques d’eau étrangement bouillantes. Préférant ne pas s’y approcher de crainte de se faire aspirer lui aussi dans l’obscurité de l’Éther, Akers grimpa sur le dragon et lui dit mentalement que le départ s’amorçait; Kiztän battit de ses longues ailes rouges aux veines transparentes et décolla. Des feuilles arrachées ainsi que de la poussière virvoltèrent dans le ciel couvert. L’Irisien avait toujours eu peur des hauteurs dès son plus jeune âge, mais cette fois-ci, il sentit qu’il était parfaitement en sécurité malgré son vertige. Le vent lui fouettait le visage et il n’eut aucune difficulté à respirer, que l’altitude sois plus haute ou basse. Il se sentait enfin en liberté et libre de ses décisions sans avoir une pression parentale sur l’avenir de son royaume natal. Dans quelques jours, le monde sera aussi à la portée de sa main.
********************************************************************
Le soleil couché, l’obscurité s’installa et Akers fut bien obligé de se déposer à ses besoins ainsi que ceux du dragon. Il plissa des yeux alors qu’il scrutait le bas, car la luminosité avait graduellement baissé. Il vit enfin une géante hutte calcédoinienne abandonnée où Kiztän se déposa doucement. Akers glissa sur le sol, les jambes engourdies. Le paysage était déprimant : des débris d’anciennes huttes en argile gisaient sur le plancher de terre craquelée et sèche et ne restait qu’une unique habitation négligée. Cet ancien village du Royaume de Calcédoine avait environ des centaine d’années, abandonné lors d’un immense incendie sûrement provoqué accidentellement ou par la magie dévastatrice des sorciers. L’Irisien alla explorer ce qui en restait d’habitable et ouvrit le large drapeau de tissu. Il en regarda le contenu et fut étonné d’y découvrir un cercle de pierres accompagné de bûches à moitié brûlées au centre, des chaises de bois fragiles et même un matelas de plumes ! Tout semblait récent, de même que des bols de nourriture remplis de farine, légumes, fruits et du gibier fraîs. Il s’en approcha de plus près et sentit le tout, jusqu’à ce qu’il entende des grondements du dragon de Kisiline. Il se précipita à l’extérieur et fut stupéfait d’y voir une jeune femme qui tentait d’approcher tout lentement Kiztän, mais ce dernier ne voulait toujours pas, ne connaissant pas ce visage mystérieux. L’inconnue se retourna et Akers fut émerveillé. Des yeux rouge sang et pétillants le fusillèrent, ses longs longs cheveux violets et raides suivirent son mouvement. Elle avait la peau extrêmement blême et elle portait une robe rouge brûlé jusqu’à ses genoux et elle était mince. Ils continuèrent à se fixer, mais les grondements de Kiztän lui tombèrent sur les nerfs et leva la main vers lui. Il arrêta, mais fusillait toujours craintivement la jeune femme. Le Prince finit par marcher vers elle.
-Je suis Akers d’Iris.
-Haley, se présenta-t-elle avec un sourire timide.
-De quelle région viens-tu ? s’enquit Akers, curieux.
-Beghili.
-Je ne connais pas.
-Je suis une Primyveikàzienne.
********************************************************************
Kisiline sentit l’air glacé enveloppée autour d’elle. Elle ouvrit lentement ses yeux fatigués et cernés et vit Kassie effondrée sur son bras qu’elle libéra immédiatement.
-Comment sa va, ma fille ? dit Lorell, assis de l’autre côté.
La Topazienne se retourna vivement vers lui et fut soulagé de ne pas être seule, emprisonnée dans ce désastre de glace.
-Tu l’as détruit sans aucune difficulté, se réjouit le dieu.
-Peux-tu m’aider à l’enlever ?
La divinité ne posa qu’un index sur une paroi de glace à moitié fondue que tout le reste s’évanouit et devient liquide.
-Merci, dit-elle, soulagée. Mais, euh, que fais-tu ici ?
-Je n’apparaîs pas juste dans les rêves, s’offensa-t-il.
Kisiline se dégagea et partit à l’extérieur, suivit de son père biologique. Inquiète de ne pas voir son dragon dans son champs de vision, elle regarda partout.
-Que cherches-tu ?
-Mon dragon… il a disparu.
Lorell projeta son esprit aussi loin qu’il le pouvait, se qui se résumait jusqu’à la barrière de feu, mais tout le reste devant. Il sentit donc Kiztän en très bonne compagnie.
-Il est au Sud-Ouest de Calcédoine.
-Que fait-il là ? s’étonna sa fille.
-Avec ton charmant faux frère et une fille que je n’arrives pas à en détecter sa provenance. Pas grave.
-Et qu’est-ce que nous allons faire à présent ?
-Ce que tu allais faire avant que tu fasses ton voyage dans l’Éther.
-Lorell ? demanda-t-elle.
Ce dernier se retourna pour voir Kisiline.
-Est-ce que j’ai un frère ?
-Non. De toute mon existence, je n’ai jamais eu d’enfant à part toi.
-Qu’est-ce qui t’a attiré vers Kassie ? sourit Kisiline.
-C’est la femme la plus belle que j’aille rencontré, dit-il. Et elle était tellement farouche !
-Une dernière chose, s’essaya la Topazienne. Est-ce que je te ressemble, selon toi ?
-Trop, ricana Lorell. Tes yeux, ta peau, tes traits sauf tes cheveux. On y va ou tu as autre chose à me demander ?
-Non, sa peut aller.
Le dieu des glaciers prit sa main chaude et ils s’éclipsèrent dans des flocons de neige.