Partie 3 : Dormir sous les étoiles

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Du plus loin que je me souvienne, je n'ai connu que des déboires avec la vie

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Du plus loin que je me souvienne, je n'ai connu que des déboires avec la vie. Je ne conserve de ma petite enfance qu'un seul souvenir ; celui de l'accident qui me laissa orpheline en une fraction de seconde alors que je n'avais que cinq ans. J'étais sortie indemne de ce qui restait de la voiture de mes parents. C'était comme un miracle. Elle avait fini sa route encastrée sous un camion de plusieurs tonnes. A l'arrivée, il ne restait pas grand-chose de mes parents si ce n'est un hurlement d'effroi de ma mère que j'entends encore quand je fais des cauchemars, suivi d'un silence de mort et d'une fine pluie qui nettoyait tout sur son passage. Quant à moi, je me rappelle que j'étais couverte de sang et qu'une dame m'a pris dans ses bras pour m'éloigner de la catastrophe. Elle pleurait, pleurait et pleurait encore tout en nettoyant le sang qui dégoulinait le long de mes jambes. C'était visqueux et rouge sombre.

- C'est incroyable, disait-elle à son époux, elle n'a rien, absolument rien.

- Tu te trompes chérie, avait répondu l'homme, son coeur est brisé.

Ensuite, ils m'ont confiée aux pompiers qui en ont fait autant avec une autre dame des services sociaux. Finalement, je me suis retrouvée dans une famille d'accueil, puis une autre et encore une autre, jusqu'à ce que j'atteigne la majorité et que je me retrouve à la rue.

- Voilà! Tous ces gens avaient gagné leur vie en trimbalant un paquet du nom de Lorraine et ils s'en étaient débarrassés sans jamais se retourner, comme le font certaines personnes avec leurs chiens devenus encombrants à la veille des départs  en vacances. Mais, contrairement aux chiens, il n'y a pas de refuge pour une Lorraine. Pour moi, il y avait la fuite en avant et les cris que je pousse chaque nuit dans mon sommeil.

C'est au hasard de missions d'intérim que j'ai fini par atterrir à La Houssaye en Brie après un an de galère durant lequel j'espérais seulement gagner assez d'argent pour manger un peu et me loger, jour après jour, sans qu'à aucun moment quelqu'un ne s'arrête sur mon chemin ou ne s'intéresse à moi. Finalement, c'est avec Hugo que j'ai échangé le plus de mots en vingt-deux ans d'existence. Quelle pitié! Ma vie est une danse macabre.

Je ne vais pas me plaindre puisque aujourd'hui, je vis un rêve éveillé. La fête foraine, j'y pense depuis trois ans, y travailler aussi d'ailleurs. Mais pour moi, tout cet univers était une pure utopie avant que je ne croise le regard de la cartomancienne.

- Alors comme ça, je dois te montrer le camping-car où tu vas vivre, dit Manuel en me sortant de ma torpeur.

C'était la première fois que l'inconnu au regard de braises s'adressait à moi. On peut dire que je l'avais souvent observé cet homme-là depuis trois ans. Une semaine par an où la place de la mairie s'animait un peu. Le voir travailler d'arrache-pied à monter et démonter ses auto-tamponneuses sans jamais fléchir me donnait le courage de continuer. Lui ne cessait pas d'avancer alors pourquoi pas moi ?

- Un... un camping-car vous dites ? Répondis-je en rougissant.

- Tu croyais quoi ? Que tu allais dormir sur le grand manège ou dans une auto-tamponneuse ? Poursuit-il  ironiquement. Tu le partageras avec Betty et Mila. Ces deux-là tiennent le stand de tir à la carabine et la maison des horreurs. Elles t'attendent. 

Pomme d'amourOù les histoires vivent. Découvrez maintenant