Partie 34 : Paul

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            J'avais mis un bon quart d'heure avant de me décider à sortir de la voiture. Pourtant, le ciel était bleu avec quelques petits nuages inoffensifs. Je leur avais prêté des formes issues tout droit de mon imaginaire ; mais elles avaient éclaté comme des bulles de savon quand Manuel avait posé sa main sur la mienne. 

- On peut toujours faire demi-tour, murmura-t-il.

Je fis signe que non et posai ma main sur la poignée de porte de la voiture. La chaleur de sa main devenait ma force. La chaleur des rayons de soleil m'agressait davantage. J'aurais voulu fermer les yeux et que le temps s'arrête. Mais les secondes se transformaient en battements de coeur de plus en plus rapides au fur et à mesure où nous approchions du but, dans un silence quasi-monacal. 

- Tout va bien se passer, dit Manuel en posant ses mains sur mes épaules.

Nous venions de franchir les portes de l'hôpital psychiatrique. Le Directeur était prêt à nous recevoir. Don avait réussi à convaincre Manuel de me laisser venir. J'étais donc encadrée par tous les hommes de ma famille pour cette confrontation et mon état de stress était à son maximum. L'endroit me paraissait glauque, froid et aseptisé. Les murs étaient vides et ponctués de numéros de chambres et de panneaux directionnels aux noms de spécialités biscornues : troubles de l'anxiété, unité de guidance infantile, troubles de l'humeur et périnatalité, trouble de la régulation émotionnelle, sexologie...

- Ben dis donc ! Murmura Manuel, je ne comprends pas la moitié de ces machins. Mais pour le sexe, moi, ça me va. 

- Chut ! dis-je en fronçant les sourcils.

- J'ai le droit de dire que j'air emporté le gros lot, non ?

- Manuel ! 

- Avec Sacha, on se racontait tout, me confia-t-il à l'oreille.

Je l'ai fixé avec des yeux écarquillés.

- Mais ça, c'était avant, crut-il bon de préciser. Là, j'ai les boules parce que j'en aurais des trucs à dire sur des histoires de fontaines.

- Tais-toi ! ordonnai-je en lui donnant un coup de coude dans les côtes.

- Ouille ! C'n'est pas facile tous les jours, dit-il en grimaçant. Mais j'en redemande. Je suis bon pour aller voir le psycho-sexo-truc.

Je savais pertinemment qu'il se comportait comme s'il avait été Sacha pour me faire décompresser. Mais je n'arrivais pas à sourire à ses blagues légères. J'étais bien trop angoissée pour ça.

- Ça va aller mon ange, reprit-il.

A l'angle d'un énième couloir, nous nous sommes retrouvés en face d'une porte qui m'a donné le frisson.

- C'est la chambre dix-sept, confirma Manuel ; c'est bien la sienne. T'inquiète mon ange. Ça va aller. Et si ça ne le fait pas, on partira.

J'ai pris mon courage à deux mains et j'ai tourné la poignée.

Pomme d'amourOù les histoires vivent. Découvrez maintenant