Partie 22 : Solidarité foraine

26 5 0
                                    

Oups ! Cette image n'est pas conforme à nos directives de contenu. Afin de continuer la publication, veuillez la retirer ou mettre en ligne une autre image.


                   Finalement, je ne suis sortie de l'hôpital que trois jours plus tard. J'en repartais avec une valise remplie de médicaments que je devais prendre tout au long de la journée. J'avais failli perdre mes reins et mon foie me faisait encore mal. Mais pour le reste, ça allait plutôt pas mal. Je m'en sortais avec une interdiction de travailler avant une bonne quinzaine de jours mais la fête foraine reprenait ses droits dans la ville voisine.

Le médecin avait dit que je ne pourrais plus jamais travailler aussi dur qu'avant. Il m'avait préparé un dossier de handicap, pour cause de narcolepsie, afin que je perçoive des aides qui compenseraient les moments où je m'endormais à l'improviste. Ça pouvait me prendre à tout moment à cause du traitement que je prendrai durant toute ma vie. Mais en dehors de ça, je gardai un bon moral. Il faut dire que Manuel m'avait certifié que je ne serais pas un fardeau pour lui, mais sa : « princesse des pommes d'amour », sa « chouineuse des chichis », sa « croqueuse de bombecs ».

- Tu es ma vie Lorraine. Je ne suis rien sans toi.

- Mais je ne suis plus bonne à rien, me plaignis-je. Tu ne veux même plus que j'approche des plaques de cuisson de peur que je m'endorme dessus.

- Tu vendras les sachets de bonbons, affirma-t-il. Tu es en convalescence. Tout va s'arranger. Et puis de toute façon, tu es la seule à pouvoir faire battre mon cœur dans ma poitrine. Je n'ai pas le choix. Tu serais défigurée que ce serait la même chose. Je t'aime. Ça ne s'explique pas, mais c'est comme ça.

Je l'ai regardé avec tellement d'admiration qu'il m'a dévorée de baisers.

A notre arrivée sur la grand-place, tous les forains sont venus à ma rencontre, même les enfants du vieux Gudule et Marina, la femme de Benny qui se retrouvait veuve à cause d'un type qui voulait tout détruire autour de moi.

- Marina va venir vivre avec nous, m'annonça Manuel pendant qu'elle me prenait dans ses bras. Elle tient le stand de jeux électriques et de course de chevaux. Pour sûr qu'on manque de forains depuis quelques temps. On va devoir recruter un peu. Il nous manque un chauffeur pour son camion et puis il y a le stand de Lola qui reste sans occupants. Elle faisait tourner une mini roue de la fortune avec des lots qu'elle ensachait tout au long de la journée. Elle vendait aussi des pochettes surprise et des sachets de pralines. C'n'est pas simple tout ça !

- Je connais deux types, des frères polonais, qui ont travaillé dans un cirque et qui se retrouvent à la rue à cause d'un accident de trapèze, annonça Enzo, comme s'il s'agissait d'un scoop. Ça leur est arrivé il y a une dizaine d'années environ. Ils ont essayé de se reconvertir dans le civil, comme ils disent, mais la sédentarité les angoisse. Ils seraient preneurs pour le camion de Lola et ne seraient pas contre le fait de donner un coup de main à Marina.

- On va s'en sortir, dit Manuel en passant nerveusement sa main dans ses cheveux.

- Ça va vieux ? Lui demanda discrètement Sacha.

Manuel lui lança un regard plein de détresse qui montrait son angoisse.

- J'te lâche pas, lui dit Sacha en posant sa main sur l'épaule de son frère.

- Le fils du plus vieux des deux vit avec eux, poursuivit Enzo en regardant Manuel droit dans les yeux. C'est un gamin de vingt ans qui est un peu perturbé par le départ de sa mère. Elle les a tous lâchés quand elle a su que l'accident ne leur permettrait plus de travailler dans un cirque. Elle est partie sans se retourner. Le gosse, lui, est gentil comme tout ! Il conduira le camping-car que tu dois acheter pour toi et Lorraine, Manuel. La petite ne doit pas s'endormir au volant.

- Ouf ! Dit Manuel en me regardant discrètement. Lorraine est trop fragile pour conduire. Heureusement que tu as trouvé une solution.

- C'est mon rôle, répondit Enzo. Il t'aidera aussi au château de Lorraine, selon les besoins. Il cherche à forger son trou, lui aussi. Tu essayes de le faire bosser avec toi et si ça va, alors, tant mieux pour vous deux !

- La p'tite pomme est crevée Manu, ajouta Sacha. Va la coucher !

Les mots des uns et des autres se noyaient dans ma tête. J'avais perdu le fil de la conversation depuis un bon bout de temps. Je titubai un peu et me suis endormie dans les bras de Manuel en murmurant son nom.

- Elle prend des médicaments, expliqua-t-il aux forains qui s'inquiétaient pour moi. C'est pour avoir moins mal au foie, mais ça l'endort tout le temps. Je dois la mettre au lit. C'est moi qui ai insisté pour qu'elle rentre, même si le médecin était contre. Je lui ai dit que les forains manquaient à Lorraine. Et quand il a vu qu'elle déprimait, il a cédé mais sous condition qu'elle en fasse le moins possible.

Autour de moi, il y avait des regards compatissants et les plus vieilles foraines me bénissaient sur leur passage. Elles priaient pour moi parce que pour elles, j'étais des leurs et la plus atteinte des victimes vivantes de l'assassin de la fête foraine.

- On va tous la surveiller de près, précisa Théa, une jeune foraine, amie de Betty.

C'est elle qui s'occupe des poneys.

- Elle ne doit s'apercevoir de rien, ajouta Diane, sa compagne. Pauvre puce. Elle déprimerait davantage si elle se savait observée.

- On va lui demander des petits services pour qu'elle ne se sente pas inutile, ajouta Manon. Du genre qu'elle prépare une boisson pour les uns ou qu'elle dépose le courrier aux autres. En plus, elle adore aider les gens ; c'est dans sa nature.

- Bonne idée, dit Sacha. Il faut surtout qu'elle garde le moral. Et pour ma mère, c'est pareil. Elle ne s'endort pas comme Lorraine, mais elle a besoin de faire des siestes le matin et l'après-midi. Pour les voyances, c'est plus compliqué. Elle s'épuise vite.

- Pas de voyance pour Cora avant nouvel ordre, affirma Enzo. De toute façon, elle voit trop d'images sur l'assassin et sa folie pour se concentrer sur des histoires d'amourettes de vacances ou de gains au loto.

Il était net et tranché sur la question. Personne n'aurait pu passer outre ses décisions, surtout quant il s'agissait de sa femme.

Les forains pensaient organiser une petite soirée à l'occasion de mon retour, mais compte-tenu de mon état, ils ont décidé de la remettre à plus tard.

La fête foraine reprenait ses droits et chacun retourna à ce pour quoi il était là.


Pomme d'amourOù les histoires vivent. Découvrez maintenant