Partie 18 : Nuit de garde

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Dans la nuit noire, Sacha observait celui qui venait de pénétrer dans l'espace des machines d'un manège pour enfants

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Dans la nuit noire, Sacha observait celui qui venait de pénétrer dans l'espace des machines d'un manège pour enfants. Il prit son téléphone portable dans sa poche de jean et contacta tous les hommes par un simple message : 

"le petit train des Lopez".

Aussitôt, des forains sortirent de leurs cachettes. Ils étaient nombreux à avoir choisi de ne pas dormir pour assurer la sécurité du secteur. Trois équipes d'une douzaines de forains armés jusqu'aux dents et prêt à se relayer nuit-après-nuit jusqu'à ce que l'assassin soit pris. Ce soir, c'était la première nuit de garde et Manuel était du lot. Après que je me sois endormie, il avait rejoint les autres et confié ma sécurité à Enzo. Il faisait  sa ronde entre toutes les caravanes de notre famille ; c'est à lui que revient le privilège de protéger les femmes durant la nuit. Il est notre père à toutes.

- J'ai fermé le camion à clef, lui dit Manuel. Si Lorraine crie, tu m'appelles. Elle revit en boucle la mort de ses parents. Je ne veux pas qu'elle ait peur.

- Je m'en occupe, répondit Enzo.

Il n'en dirait pas plus. Tout comme son fils, il va à l'essentiel dans tout ce qu'il dit. Enzo comprennait et Manuel s'est donc contenté de lui adresser un léger hochement de tête.

Un peu plus loin, plusieurs policiers effectuaient une ronde. Eux aussi avaient vu l'homme qui se faufilait entre les camping-cars et les camions des stands. C'est comme ça que le chassé-croisé commença entre la police, les forains et l'inconnu qui s'enfuyait.

Sacha courut à la vitesse d'un félin et s'accrocha à la manche du manteau de l'homme, mais ce dernier le bouscula et poursuivit sa route. 

- Merde! S'énerva-t-il, à moitié sonné.

Manuel plaqua un homme au sol. C'était un policier qui poussa un cri. Il dût prouver son identité en montrant sa plaque. Il était furieux et couvert de poussière. Mais il reprit ses recherches en pestant contre ce fichu forain qui se mêle toujours de tout.

- Je vais avoir un de ces bleus! Se plaignit-il à un de ses collègues. Ce type est pire qu'un rugbyman.

- Il fait peur, j'avoue! Répondit son accolyte.

- Ils nous saoulent, râla Marco que deux policiers encadraient en le menaçant d'une arme. Vous ne voyez pas que je mesure une tête et demie de plus que votre suspect ?

Tout le monde alpaguait tout le monde et le désordre qui en résulta n'eut qu'une conséquence : le criminel sema ses poursuivants. Même le mistral était de la partie et emportait les sons et les empreintes de pas avec lui. Dieu pardonne toujours, l'homme parfois, mais la nature jamais. Le mistral avait choisi de sanctionner tous ces hommes en colère. C'était fichu pour eux. L'assassin tuerait encore.

De rage, Sacha jeta sa batte de base-ball au sol. C'était raté. Le type leur avait échappé.

- On ne vous avait pas demandé de vous rendre justice vous-même, intervint le policier qui montait sa déception ouvertement.

Lui, c'est sans doute son avancement qui dépendait de cette capture. 

- Comment voulez-vous qu'on puisse l'attraper s'il se cache parmi-vous ?

- Il se cache aussi parmi vous, ironisa Sacha en les toisant de haut.

- Il faut bien qu'on protège nos familles, répondit Manuel dont l'amertume se lisait sur le visage. Il a déjà tué deux fois je vous rappelle, dont une des nôtres. Vous ne croyez pas qu'on va se laisser tirer comme des lapins!

- Rentrez chez vous, dit le policier en reculant d'un pas face à la colère froide de Manuel. Vous risquez de détruire les traces.

- Y'a pas de traces, affirma Sacha. Le mistral soulève la terre battue. 

- On devrait se donner des infos, vous et nous, intervint Marco. Il est où le flic réglo ? On ne veut parler qu'avec lui.

Les trois policiers sur les lieux se regardèrent. Ils savaient parfaitement de qui Marco voulait parler.

- Il est chez lui, répondit l'un d'entre eux. Vous le verrez demain.

- Il était de taille moyenne, intervint Sacha en parlant du saboteur. De taille moyenne et blond ou châtain avec une peau claire. Je n'ai pas vu ses traits, mais il était plutôt fin dans le genre un peu chétif comme moi, mais plus petit.

- Qu'est-ce que vous avez vu d'autre, demanda le policier intéressé par la description de Sacha.

- Ce n'est pas un sportif parce qu'il avait l'air raide sur ses jambes. Il était habillé tout en noir et il portait une espèce de bandeau sur les yeux comme le pote à Batman.

- Robin ? Demanda Marco.

- Exactement. 

- Et c'est tout ? Questionna le policier en passant des consignes à ses collaborateurs.

- Son manteau, c'était pas de la pacotille, poursuivit Sacha. J'ai pu le toucher. J'étais à deux doigts de lui,... si votre collègue ne m'avait pas attrapé la jambe. Ça n'était pas un match de rugby mon vieux! Reprocha-t-il au binôme du policier. J'aurais pu l'avoir.

Les policiers partirent sans dire un mot de plus aux forains. Visiblement, ils n'appréciaient pas le franc parler des hommes qui leur faisaient front.

- Ceux-là ne sont pas aussi faciles à vivre que leur collègue du jour, marmonna Sacha dépité. Je leur ai tout dit, mais c'est la dernière fois. S'ils ne sont même pas capables de dire bonsoir, qu'ils aillent se faire foutre. Le type était pas sportif pour deux sous et je l'ai raté à cause d'eux. C'est des tâchons ces flics de...

- Stop, dit Marco en s'interposant entre Sacha et les policiers. Tu te calmes. Ils veulent l'attraper, tout comme nous.

Manuel fit signe à ses hommes.

- La nuit de garde est terminée. Demain, il faudra vérifier le bon fonctionnement du petit train des Lopez avant toute autre chose. Mais qu'est-ce qu'il cherche cet assassin au juste ? Il veut tuer des enfants ?

- C'est un dingue! Affirma Sacha. 

Manuel m'a rejoint dans le lit d'où je n'avais pas bougé d'un pouce. Je dormais comme un ange, le visage éclairé par un rayon de lune, la bouche entrouverte, inconsciente du danger qui rôdait autour de nous.

- Manuel, marmonnai-je. Oui!

Il me regarda un instant en souriant, caressa mes cheveux. Puis, il posa sa tête sur l'oreiller en me tenant dans ses bras comme pour ne pas me perdre.

- On était à deux doigts de l'avoir, regretta-t-il. A deux doigts!


Pomme d'amourOù les histoires vivent. Découvrez maintenant