Le soleil embrassait les toits des maisons, bien tranquillement, à un rythme, imperturbable. Pour lui, qu'importe toutes ces petites fourmis que sont les hommes. Ils gesticulent en tous sens et se font parfois un monde de rien du tout. Pour les nomades que nous sommes, l'heure du démarrage de la fête foraine approchait. Déjà quelques badauds s'agglutinaient non loin de la place où nos stands étaient dressés. C'est étrange tout de même! Lorsqu'ils nous croisent en plein jour, les sédentaires nous considèrent comme des escrocs et des importuns. Et pour peu que la lune s'installe à la place du soleil et nous devenons leur source de bonheur pour une soirée tout au moins. Les gens sont inconstants et bien souvent injustes.
Quand mon stand fut fin prêt pour l'ouverture et après que j'ai préparé le repas du soir et nourri Gavroche, je me suis dirigée vers le bureau d'Enzo. J'avais trois quart d'heures d'avance sur le programme et je voulais le voir impérativement.
- Qu'est-ce qui t'amène Lorraine ? Me demanda-t-il de sa voix bourrue.
- Vous m'avez tous adoptée comme si j'étais l'une des vôtres.
Je m'installai en face de lui pour aborder un sujet de conversation que je sentais déjà comme épineux.
- Et ? Dit-il en me fixant droit dans les yeux.
- Je n'ai pas besoin des dix mille euros que l'inspecteur du travail a obtenu pour moi. Alors,...
- Non, le coupa Enzo. Retourne à ton poste maintenant.
- Mais vous ne comprenez pas, me défendis-je. Si Manuel n'était pas intervenu, je n'aurais rien eu du tout et...
- Non! Reprit Enzo froidement. Si j'acceptais, Manuel ferait un scandale et il aurait raison. C'est non Lorraine.
- S'il vous plait! Demandai-je implorante. Je ne veux pas avoir l'impression que vous me faites l'aumône.
- Tu voudrais nous acheter ? Intervint Manuel qui était apparu comme par enchantement dans l'encadré de la porte.
Son regard si chaud, si doux était devenu froid et dur. Il me toisait sévèrement comme si je lui avais craché en pleine figure. Et moi, j'étais pâle comme si j'allais m'écrouler sur place.
- Manuel, s'il te plait! Le suppliai-je d'une voix cassée par l'émotion.
- Tu nous prend pour qui ? S'énerva-t-il. On t'a offert notre protection et toi tu voudrais nous faire l'aumône ? C'est... insultant!
- On accepte, intervint Cora qui apparaissait à son tour. Lorraine en a besoin, poursuivit-elle en s'adressant aux deux hommes.
Manuel fit volte-face et sortit du bureau de son père en claquant la porte. Face à sa mère, il ne répliquait jamais.
- Il me hait, murmurai-je tristement.
- Je ne crois pas non, dit Cora en souriant. La vie n'est pas toujours facile et les hommes sont parfois compliqués, surtout Manuel.
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Pomme d'amour
RomanceLorraine a été renvoyée de son emploi à la suite d'une dénonciation calomnieuse. En bas du bureau ou elle travaillait, une fête foraine venait de s'installer. Après avoir chargé ses affaires dans sa voiture, elle se rend tout droit chez la cartomanc...