Certaines personnes font des rêves agréables, comme celui de voler dans le ciel. Elles slaloment entre les nuages et admirent le monde à travers le regard d'un oiseau. Vu du ciel, la terre est lisse et sans danger. Elle offre une part de mystère et de majesté.
Je crois que je n'ai touché les étoiles que l'espace d'une seconde. L'instant d'après, je chutais vers une crevasse béante qui m'engloutissait jusqu'à une coulée de lave en fusion qui n'allait pas tarder de me calciner. C'en serait fini de moi et...
- Chut! Tout va bien. Réveille-toi!
Je venais de refaire surface. Deux jours étaient passés et Cora dormait encore mais ses traits étaient détendus. Je me raccrochais à mes draps en serrant mes doigts si fort que leurs jointures étaient blanches. Pitié! Faites que je ne me rendorme pas. Ce doit être cette fichue morphine qui me joue des tours. La dernière fois, je me noyais. Maigre consolation, je n'avais plus mal au crâne, mais j'étais épuisée. C'était bien pire qu'après une grippe. Je me trouvais dans un lit d'hôpital qui me disait vaguement quelque chose et une ombre bougeait devant moi.
- On va rater la fête foraine, dis-je à Betty que je venais de reconnaître. Aide-moi à me lever. Je dois aider Manuel.
Elle aussi paraissait épuisée. Ses cernes lui descendaient jusqu'au milieu du visage. Elle n'avait pas dû dormir beaucoup durant ces derniers jours. Dire que j'avais l'impression de n'avoir fermé les yeux qu'une toute petite minute depuis notre dernier échange.
- Elle est fermée, répondit-elle d'une voix tremblante. On a perdu trois des nôtres et vous êtes quatre à avoir été hospitalisés Lorraine. Les hommes ont fait tourner la boutique mais il y a eu un autre accident hier soir. On a crevé les pneus d'un des wagons du petit train des enfants. Il n'y a pas eu de blessés parce que les forains vérifient tout avant de mettre les manèges en route. Mais cette fois-ci, on a décidé de tout arrêter.
Cora venait de se réveiller. Elle avait entendu Betty. Elle s'est mise à pleurer à chaudes larmes. C'était la première fois de toute sa vie qu'une telle chose se produisait. Je pleurais aussi, mais c'était parce que je pensais que je portais malheur aux forains. Les problèmes étaient arrivés avec moi et je me demandais si je ne devrais pas les laisser poursuivre leur route sans moi.
- Ma vie entière est une blague morbide. J'attire la mort et la mort m'appelle, murmurais-je. C'est de ma faute, tout est de ma faute. Je dois partir.
Je confiais mes états d'âme à Cora qui s'est levée péniblement pour me rejoindre et me serrer dans ses bras.
- Ce n'est rien, a-t-elle dit. Tu verras, tout va s'arranger.
- Retourne te coucher, lui ordonna Betty. Tu tiens à peine debout.
C'est à ce moment-là que Manuel s'est montré. Il avait tout entendu et il me regardait tristement.
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Pomme d'amour
RomanceLorraine a été renvoyée de son emploi à la suite d'une dénonciation calomnieuse. En bas du bureau ou elle travaillait, une fête foraine venait de s'installer. Après avoir chargé ses affaires dans sa voiture, elle se rend tout droit chez la cartomanc...