Un doux tintement accompagne mon entrée lorsque je franchis le seuil de la boutique. Madame Wilkins est la meilleure couturière, sait parfaitement harmoniser broderie, soie et couleur.
Je vois sa tête dépasser d'un meuble, surmontée d'une monture de lunettes rondes argentée. Elle m'offre un généreux sourire que je ne manque pas de renvoyer.
— On t'attendait, s'exclama-t-elle, enthousiaste. Tu dois être... je regarde sur ma liste...
Elle se lève de son bureau puis se dirige vers moi, un feuille et un stylo en mains. Ses cheveux blonds sont coupés très courts, sa taille est comparable à la hauteur de trois pommes.
— Eretha, c'est ça ? me demande-t-elle en posant sont regard marron glacé sur moi. Je suis Lucy.
Elle possède une frêle voix aiguë, j'ai du mal imaginer cette femme toute menue en train de coudre et broder.
— Commencez par vous mesurer chacunes votre tour, lança-t-elle en retournant dans le fond du magasin. Ensuite je vous montrerai les robes adaptées à votre taille.
Ses paroles parviennent très lentement à mon cerveau. C'est à ce moment que je réalise que je ne suis pas seule. Mon regard croise alors celui d'une vingtaine de filles près d'un étal de rubans soyeux.
Je perçois une voix susurrer à l'oreille de quelqu'un. Pas besoin d'être un génie pour deviner la pique d'Ashley Parkinson. Une fille méprisante ayant autrefois renversé mon stand d'œufs au marché.
Son père travaille au palais, alors forcément, elle se croit tout permis. Je ne peux même pas la voir en peinture. Je ne cherche pas à essayer de comprendre ce qu'elle dit.
— Tu as perdu ta langue ? me demande son amie.
Mary Standford. Une autre pimbêche. Répondre serait rentrer dans leur jeu viscieux.
Je fais la queue en ignorant leur moqueries. Je me force à ne pas taper du pied face à l'attente, mes mains moites se tordent toutes seules.
Vient mon tour. Lucy me demande de me placer sous la bande millimétrée avant de retenir mon mètre soixante-cinq. Elle m'accompagne ensuite à l'arrière de la boutique, où je découvre un merveilleux endroit. Je suis stupéfaite.
Une multitude de couleur m'éblouit, ça scintille de partout. Il y a des paillettes, de la dentelle, des strass... tout. Vraiment tout.
Je m'approche, hésite à caresser les splendides matières. Les jeunes filles choisissent des robes plus jolies les unes que les autres.
Je retourne l'étiquette de la robe la plus simple à mon goût et manque de m'étouffer. Le tiers de son prix est justement l'argent qui se trouve dans ma poche, je me sens mal.
— Tu n'as toujours pas choisi ?
— Non, Mad... Lucy, sourié-je, camouflant mon désarroi.
Je laisse échapper de ma main la jupe d'un bel ensemble en satin rouge.
— Je n'ai pas assez, chuchoté-je.
Elle se balance sur ses pieds, ses sourcils sont froncés, preuve qu'elle réfléchit.
— Oh... Attends moi ici, j'arrive tout de suite.
Je me laisse tomber dans un moelleux canapé, à observer les autres s'agiter dans une excitation à me donner des maux de tête. Pourquoi ne suis-je pas comme les autres ? Pourquoi est-ce tombé sur moi ? Mes parents on eu un enfant avant moi.
C'était un garçon aux yeux vert. Ils avaient demandé à la sage femme qui a aidé ma mère à accoucher de ne rien dire le temps que mon père aille au marché noir. Évidemment, elle n'a pas tenu sa langue : les gardes sont arrivés deux jours plus tard et ont tué le bébé. Sous les yeux de mes parents.
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NeerGrey Eyes {En Réécriture}
Adventure« Parce que j'ai les yeux verts, je dois me cacher. Parce que j'ai les yeux verts, je suis une anomalie pour la société. Parce que j'ai les yeux verts, je suis détestée. Mais surtout, parce que j'ai les yeux verts, on cherche à me tuer. . . »...