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Lorsque je mets un pieds sur la marche de la calèche, mes pensées vont à mes parents. Ils ont reçu l'autorisation de me rendre visite demain. Ce n'est donc qu'un au revoir. Mais cela signifie aussi peut-être que demain sera un adieu.

On m'a arrachée à eux sans avoir eu le temps de comprendre ce qu'il se passait vraiment. Et puis, quand je repense à Tyson, je me dis qu'il ne mérite pas une amie comme moi. Je lui avais promis de rester avec lui, et je le pensais sincèrement.

— Fais attention à toi ! me lance une dernière fois ma mère.

Le carrosse démarre déjà, j'hoche la tête difficilement. Des larmes perlent à ses jolies prunelles couleur amande. Quand à mon père, il essaie de rester fort, je vois cependant bien que le fait de me regarder m'en aller comme ça le chagrine.

Je leur envoie des derniers baisers avec la main, jusqu'à ce que je les aperçoivent en tout petits, pas plus gros que des fourmis.

Durant tout le trajet, j'observe le paysage défiler. Mais aussitôt vu, j'oublie. C'est assez dérangeant comme sensation, mais je m'en fiche en cet instant.

Alors que je serai choyée, je ne saurai pas ce qu'endureront ma famille.Tyson voudra probablement couper les ponts, oublier les bons moments vécus. Et ça, ça m'attriste.

Parfois, j'aimerai me dire que la vie n'est qu'un rêve, que je me réveillerai dans un monde enfin normal. Même si, techniquement, je ne connais pas la définition du mot normal...

Je détaille le ciel bleu, dépourvu de nuages et d'oiseaux qui viennent s'incruster dans ce beau décor qu'est la liberté. Mes jambes s'engourdissent, j'ai besoin de bouger.

Et moi qui pensais que les carosses étaient confortables ! Je m'étais trompée. D'accord pour les coussins et la banquette de velour. Mais pour le reste, je n'aurai jamais imaginé cela : pendant tout le trajet, j'ai été brinquebalée dans tous les sens comme on balance un vulgaire baluchon. J'ai senti chaque cailloux passé sous les roues de la calèche, c'était très désagréable.

Le cochet arrête le cortège pour de bon, malheureusement, et un garde vient m'ouvrir la porte de la voiture royale. Il me tend sa main gantée d'un blanc immaculé que j'accepte volontiers afin de descendre.

— Mademoiselle.

Cette voix ne met pas inconnu, Dieu seul sait à quel point elle m'irrite déjà.

Je lève de façon brusque les yeux pour croiser ceux du prince. Je retire vivement ma paume de la sienne, appréciant la surprise qu'affiche son visage aux traits réguliers.

Je m'apprête à répliquer, lui faire comprendre que ce ne sera jamais un plaisir voulu d'être à ses côtés lorsqu'il me coupe dans mon élan, sourcils froncés.

— Faites bonne figure. Mon père est en train de nous observer, je ne voudrai pas qu'il pense que j'ai choisi la mauvaise jeune fille qui deviendra mon épouse.

Sur ce, il passe son bras droit sous le mien. Je n'ai pas eu le temps de peser le pour et le contre, prise de court.

— Je vous donnerai un coup de pied sur le champs si je le pouvais, chuchoté-je.

J'essaie de plaquer un sourire à peu près crédible sur mes lèvres.

— Vous n'aurez pas le cran nécessaire même si vous auriez pu, murmura-t-il sur le qui-vive.

Je pense que ma technique n'a pas échouée – même perturbée – car, arrivés en haut des marches, le roi me sourit chaleureusement.

— Je vois que mon fils a choisi une jolie jeune fille !

Le roi Alann me fait un clin d'oeil et je rougis légèrement. Je suis sûre qu'il ne se souvient même pas de moi, ce qui n'est pas étonnant vu le monde que nous étions.

— J'espère que vous prendrez soin de mon Kayle.

— Vous pouvez compter sur moi, Majesté.

Foutaises, bien évidemment.

Le fils du roi me jette un coup d'oeil, étonné. Quand je dis que je vais bien m'occuper de lui, c'est plutôt dans le sens de lui faire sa fête.

— Et Kayle, ta mère a une migraine. Elle se repose.

— D'accord papa, à tout à l'heure.

Cela sonne étrange d'entendre le roi se faire appeler autrement que « Votre Majesté ».

Une fois le roi parti, j'arrache mon bras de celui de Kayle, ce petit jeu est terminé. Je me tourne face à lui, plonge mes yeux dans son regard noisette. Je vais lui dire ma façon de penser, moi...

— Non mais vous êtes timbrés ?! Pourquoi moi ? Vous avez bien remarqué que je n'avais aucune envie de devenir votre épouse, non ?

Je dois être rouge de colère. Je monte les marches, obtenant une distance convenable entre nous.

— Justement, me répond-il calmement. C'était clair, au contraire. J'ai pensé que vivre toute ma vie aux côtés d'une femme qui n'a pas envie de devenir reine pour la richesse ou la célébrité serait plus facile.
Je me trompe ? Si c'est le cas, dites le moi.

Il est lucide. Ce que je redoute fortement.

— Non, effectivement, mais ne pensez-vous pas que si je n'ai pas envie de devenir votre femme, je vais passer mon temps à me plaindre ?

Il me scrute sans retenue, ce qui me mets légèrement mal à l'aise.

— Je n'y avais pas songé.

Il reduit la distance entre nous. J'arrive à sentir son odeur qui me pique le nez, sans être déplaisante. De la lavande.

— De toute façon, mon choix est fait et je ne peux revenir sur ma décision.

La colère monte de plus en plus, menaçant d'exploser à l'intérieur de moi. Je bouillonne.

— Pour l'instant, je voudrais savoir où je pourrai dormir ce soir, s'il vous plaît.

J'espère qu'on ne dormira pas dans le même lit dès le premier jour, ce serait précipité quelque chose qui a peu de chance de se passer.

— Demandez à un domestique. Normalement, la votre est en face de la mienne. Voulez-vous que je vous y conduise ?

— Non, merci, réponds-je sèchement. Je vais demander à un domestique, comme vous me l'avez suggéré.

Je le regarde une dernière fois avant de me retourner et d'entrer dans le palais doré, laissant le soleil ardent et mon futur mari derrière moi.

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Salut à tous 😃💘. Merci beaucoup d'être arrivé jusque là malgré la lenteur de mon chapitre !!!
Je vous aime tous ❤💘
À la prochaine pour le chapitre 7 !
Bisous 💙

NeerGrey Eyes  {En Réécriture}Où les histoires vivent. Découvrez maintenant