XXXVIII

11.6K 414 454
                                    


Silvanna, 2 Janvier 2018.


« Moro ? T'es prête ? On va devoir y aller. » Souffla doucement Ken en entrant dans la chambre.

Je levais les yeux dans le miroir pour le regarder quelques secondes avant hocher la tête.

Ken me regarda de longues secondes avec un sourire encourageant, je tentais de lui répondre mais la réalité me rattrapa, bien trop vite à mon gout.

Je le vis dans le miroir s'approcher de moi et poser ses lèvres sur l'arrière de ma tête, ce geste d'affection me fit fermer les yeux, essayant de chasser cette douleur lancinante.

« Je.. » Commençais-je en avalant ma salive pour tenter de ravaler cette boule présente dans ma gorge depuis 3 jours. « Je peux pas Ken. » Articulais-je. « Je peux pas lui dire aurevoir. »

Ken posa sa tête sur mon épaule et caressa mon bras. Il devait être prêt de dix heures et nous devions partir pour la chambre funéraire, ma robe de coton bleue Majorelle en témoignait, aujourd'hui, je disais aurevoir à Mima.

De ma courte vie je pensais naïvement avoir eu des journées ou j'avais souhaité mourir tant elles avaient été insoutenables, la dernière en date fut celle de mon réveil après ma chute qui avait failli me couter la vie, mais je crois qu'aujourd'hui elle était battue, et à plat de couture.

Durant ces trois derniers jours, j'avais avec mon frère et mes parents organisé sa sépulture, son dernier moment. J'avais conscience que je ne le verrais plus jamais, mais j'étais dans le déni le plus total, ma peine était si intense qu'elle me coupait presque la respiration. Mes souvenirs se bousculaient à chaque minute, son rire, son sourire, ses insultes, ses mimiques s'affichaient en moi à chaque moment, tout me ramenait à elle.

Elle avait endossé le rôle de mère pendant de longues années et je ne m'étais toujours refusé à la voir disparaître de ma vie, pensant bêtement qu'elle serait toujours présente à mes côtés.

Mais non, Mima était partie et je ne sais pas s'il était possible de souffrir comme je le faisais depuis ces trois derniers jours. Je maudissais cet instant où j'avais compris, compris qu'elle ne se réveillera jamais.




« Bon tu me fais quoi là Mima sans déconner ? T'es la première à dire que les grasses matinées niquent une journée entière et qu'il est déjà trop tard quand on ouvre les yeux à huit heures passées. » Riais-je en prenant sa main après m'être assise.

Je la regardais, elle semblait paisible. Ma mâchoire se contracta.

« Aller merde quoi Mima, tu vas pas rester ici avec des vieux qui puent ? Puis t'as pas le droit de te la jouer égoïste comme ça. A noël, donc y'a deux jours tu allais très bien, alors le coup de la fatigue après les soirées ça va deux minutes. » La grondais-je.

Je soufflais doucement et caressais le dos de sa main avec mon pouce, je m'imaginais sentir une pression mais rien, pas un mot, juste le son des machines, ma peur et sa respiration régulière.

« Parce que si tu vas sur ce terrain je peux t'engueuler comme tu m'as engueulé quand j'ai pris ma première cuite. Je te rassure ma joue s'en rappel encore. »

Je ris ironiquement, je devais être pathétique.

« J'ai encore tellement de chose à te dire Mima, j'ai toujours trop de chose à te dire. Tu vois par exemple, avec l'autre trou du cul qui me sers de mec, on a enfin aborder le sujet de l'année prochaine, on sait que ça va être short mais on va y arriver, en tout cas moi je n'ai pas peur, j'ai confiance et puis si ça ne le fait pas c'est peut-être qu'on avait fait fausse route et j'irais chez toi chialer un bon coup comme une nana qui a le cœur brisé. » Riais-je. « Oui, t'as bien compris, je suis folle amoureuse de lui, je pense qu'il en a assez chié comme ça le pauvre. C'est quand même dingue, il faut que tu me fasses ça pour que je t'avoue enfin mes sentiments. » Soufflais-je.

MercoOù les histoires vivent. Découvrez maintenant