LXXVI

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Silvanna, 4 Mai 2023.


Mes lèvres ont dû être posées sur celles de Ken moins de vingt secondes. Sans bouger, juste poser, juste ses lèvres sur les miennes, de mon propre chef, ayant posé mes lèvres sur les siennes et non l'inverse.

Ken n'ayant pas eu l'air d'envisager la possibilité que je fasse ce geste n'a pas réagi, j'ai juste senti sa pression sur mes hanches se serrer. Une majeure partie de son corps à réagit, sauf ses lèvres, comme si j'étais la seule à donner le tempo, je menais la danse pour cette partie. Son expiration a été si puissante quand mes lèvres ont touché les siennes qu'elle m'en a dégagée des frissons.

J'avais oublié. J'avais oublié beaucoup de choses de Ken. L'embrasser m'a plongé dans des souvenirs que je ne pensais pas avoir tant mis de côté. Ces vingt secondes m'ont replongées 3 ans auparavant. Son odeur, ses lèvres que je connaissais tant, le touché de sa peau, sa repousse de barbe qui ne rendait pas sa peau lisse alors que la pulpe de mes doigts n'avait pas bougé.

Aussi contradictoire que cela puisse paraitre, j'avais retenu mon souffle pendant ces vingt secondes alors que j'eu l'impression de respirer de nouveau après presque 3 ans en apnée.

Mes sens en éveil m'avaient submergé et je ne n'arrivais pas à me contenir alors j'ai reculé doucement, comme pour ne pas aller trop vite, comme si me reculer rapidement allait me provoquer un malaise.

Tandis que mon nez frôlait celui de Ken, j'inspirais longuement, comme pour me remettre sur pieds, le torrent d'émotions étant encore en cours du bout de mes orteils jusqu'à la racine de mes cheveux.

La presque sensation du touché du nez de Ken sur le mien me ramena légèrement sur terre puis me ramenant totalement sur terre.

Me ramenant à Paris, dans le studio de Ken, Seine Zoo, à plus de minuit, face à Ken, le père de mes enfants, l'homme avec qui j'avais vécu cinq années bien plus qu'intenses, devant Ken, à quelques centimètres de lui, après avoir vu un film retraçant son film pour ses fans alors que pour moi, il représentait bien plus, il l'avait lui-même dit, une thérapie, le deuil de sa sœur, un pas vers l'avant, un poids qui ne partira jamais mais qu'il dompte de plus en plus.

Ce retour sur terre augmentait mon rythme cardiaque, me rendant compte que je venais d'embrasser Ken, que je me trouvais devant lui. Embrasser Ken n'était pas dans mes plans et sa réaction encore moins et je redoutais le moment où tous les deux, nous allions retomber sur terre.

Je ne fuirais pas, je ne fuirais plus même si là, la gêne qui émergeait dans mon corps me donnait envie de courir, vite, très vite même.

Le rouge me montait aux joues, très vite alors que je me contentais de regarder le nez de Ken, me permettant de ne pas voir les yeux de Ken, bien trop gênée. En fin de compte, fuir, c'est bien plus simple, je n'avais pas pensé à cette possibilité et l'imprévu n'était pas dans mes cordes ou tout du moins, c'est ce que j'essayais de me dire, au plus profond de moi.

J'inspirais longuement, silencieusement, comme si une bouffée d'air, embaumée de l'odeur de Ken ferait en sorte que je sache quoi lui dire alors que je venais de l'embrasser comme une collégienne.

M'armant du si peu de courage que j'avais à cet instant pour lever mes yeux vers les siens mais je souris presque en voyant Ken, les yeux clos, respirant un peu plus bruyamment que d'habitude. Alors je profitais de notre rare proximité pour le regarder, comme si je ne le connaissais plus, comme si je ne l'avais jamais rencontré alors que son odeur corporelle, son souffle contre mon nez puis ma joue accentué la chaleur présente sur mes pommettes.

Alors doucement, comme pour ne pas le réveiller de sa transe dont seul lui connaissait l'ampleur et sa durée. Mes mains encore présentes sur ses joues glissèrent doucement, le plus doucement possible, comme pour l'habituer à l'hypothèse que mes mains ne seront plus en contact avec son épiderme.

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