1/ Dans son monde

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Rares étaient les choses que je ne connaissais pas. J'avais une large connaissance des sciences et de la littérature, des langues modernes et mortes, ainsi que de l'art et de l'histoire. J'aimais particulièrement étudier la faune diversifiée qui foulait cette terre. Monstres, animaux, démons, fées, trolls, goules : Il y avait une multitude d'espèces et donc une multitude d'informations à recueillir.  Mon spectre d'apprentissage était le plus large de l'Ouest, et mes connaissances surpassaient de beaucoup celles de mes professeurs. C'est pour cette raison que je n'allais plus à l'école depuis une demi-dizaine d'années et que j'avais véritablement élu domicile dans la salle Rouge de l'aile droite de la bibliothèque du royaume.

Malheureusement, même si mon souhait le plus cher était de pouvoir m'enfermer dans cette mine de savoir sans être dérangée, il m'était impossible d'esquiver les autres membres de la famille royale de laquelle je faisais bien malgré moi partie.

Alors qu'une bougie éclairait encore mon vieux livre décharné avec son faible éclat orangé, des pas lourds venant d'une des rangées sombres de livres m'arrachèrent à ma lecture sur la communication intraflore. Je choisissais toujours la même table. Un petit bout de bois au croisement de quatre rangées de livre dans le secteur des vielles légendes urbaines. Un endroit complètement laissé à l'abandon par la vielle bibliothécaire qui refusait de monter jusqu'au septième étage à cause de ses problèmes de hanches. Les seules personnes qui venaient dans ses étages, c'était les vielles croûtes à la recherchent de calme, moi, et l'assistante de la bonne femme. Cara fit son apparition éclairée par la lumière de son téléphone, un sachet en papier dans la main. Cette jeune femme était rapidement devenue mon amie, car nous partagions toutes les deux l'amour des livres et de la solitude. Elle ne venait jamais me déranger plus de dix minutes et servait d'intermédiaire entre moi et le monde extérieur.

D'un geste lâche, elle déposa son sachet de papier sur la vielle table et une exquise odeur de fruit m'assaillit les narines. Elle s'assit à cheval sur la chaise en bois, un énorme soupir sortit de ses poumons et balaya la flamme chancelante de ma bougie. Je la rallumai avec une allumette avant de lever les yeux vers son expression déprimée.

-Toi, tu as besoin de parler, remarquai-je en refermant mon gros livre dans un nuage de poussière.

Cara attrapa un raisin dans le sac en hochant la tête avec une culpabilité discrètement dévoilée.

-Je l'ai dit à ma mère, confessa-t-elle comme si elle lâchait une bombe.

-Par les quatre déesses !

Pour une bombe, s'en était une. J'ai caché ma surprise en enfournant deux mures dans ma bouche. Cara s'est passé la main dans les cheveux, geste qu'elle faisait souvent quand elle était au summum de l'angoisse. Ma main s'est déposée sur la manche de son avant-bras avec douceur alors qu'elle peinait à recroiser mon regard. Je l'ai encouragé à poursuivre en la secouant légèrement.

-Tu avais raison, elle a mal réagi, continua-t-elle. Elle m'a dit que ce n'était pas normale et qu'elle allait en parler au Doyen.

Ma colère dû se voir dans mes pupilles car elle se mit à pleurer en enfouissant sa figure dans ses mains. Je me suis levée, ai attrapé mes gants pour venir m'accroupir en face d'elle. Elle n'avait pas besoin de mon ressentiment, juste d'être encouragée et consolée.

-Tu sais que rien n'est ta faute, assurai-je. Pour certaines personnes, développer ce genre de talent est un don, pour d'autre c'est une malédiction. Ta mère fait partie de cette catégorie de personnes mais je suis sûre que si tu en parles à la Cour, ils ne te traiteront pas comme une pariat.

-Ta sollicitude me touche, Noah, mais tu sais comme moi que lorsque le Doyen sera au courant je serais catégorisée à vie comme un monstre.

Ce Doyen me tapait sur le système depuis quelques mois déjà. Il était arrivé en ville avec des idées et des théories farfelues sur les citoyens de notre peuple qui développaient ce que nous appelions une Seconde Origine. Armée de son groupe de fidèle, il avait rallié une grande partie de notre peuple et s'acharnait à stigmatiser les SO sans vergogne. Ceux qui se faisaient prendre pour cible vivaient un enfer et maintenant ma seule véritable amie allait être dans le collimateur de cet odieu personnage.

VidyutaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant