13/ La reception

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La femme qui s'occupait de coiffer mes cheveux n'avait vraiment pas envie d'être là. Elle tirait sur ma chevelure fragile dans l'espoir de lui donner une consistance mais mes cheveux étaient trop lisse et trop fin pour garder une forme si bien que toutes les coiffures qu'elle s'efforçait de me faire se ratatinaient sur ma tête. Je l'entendis soupirer une millième fois avant de tout défaire et de se lancer à nouveau dans une œuvre d'art qui ternirait.

Carmilla arriva à point nommé. Elle ouvrit doucement la porte, un sourire mi-figue mi-raisin sur le visage. Sa crinière châtaine donnait envie à toutes les coiffeuses de s'occuper d'elle. Elle avait mis une robe rose discrète mais ravissante qui soulevait son teint très légèrement hâlé. Ma sœur s'approcha de moi et regarda le dessus de ma tête, où une sorte de chinon avait essayé de prendre place, avec scepticisme.

-Cela pourrait faire jolie, d'une certaine manière, tenta-t-elle.

La femme dans mon dos s'énerva et posa furieusement la brosse à cheveux sur la console à côté de moi.

-Je ne peux rien faire avec ça, cracha-t-elle. Vos cheveux glissent entre mes doigts, ils refusent de tenir en place et comme vous refusez de mettre des produits fixant dessus je ne peux pas travailler.

J'ai souris à Carmilla qui s'est occupée de faire sortir la dame de compagnie de Susan. C'était une femme qui était toujours avec ma grande sœur, qui s'occupait de l'habiller, de la coiffer, de lui faire la lecture. Père nous avait proposé d'en avoir une aussi mais Carmilla et moi avions refusé car nous avions l'impression d'avoir une esclave personnelle.

Une fois la femme mise dehors Carmilla se mit dans mon dos et caressa mes cheveux.

-Toi, Friedel et Gimel, vous vous ressemblez tellement. Les mêmes cheveux blancs et les mêmes yeux noisette. Tu penses que c'est Père qui vous les a transmis ?

-Gimel est blond, corrigeais-je alors qu'elle commençait à me coiffer en nattant certaines de mes mèches. Mais, oui. Je pense que Père avait les cheveux naturellement blancs avant que sa vieillesse les teigne en gris.

-Les cheveux de Gimel blanchiront. Si je me souviens bien, tu avais les cheveux blonds aussi quand tu avais son âge. J'ai vu une photo dans un couloir.

-Je croyais que Mère avait réussi à retirer toutes les photographies de moi, l'année dernière, m'étonnai-je.

-Non, il y en a une dans le buffet du salon télé. Oh, elle est discrète, mais on y voit clairement Friedel, Atlas et toi dans les jardins à jouer avec Coco. On voit clairement qu'il te reste quelque teinte blonde. D'un autre côté, Susan, Ether et moi, nous avons hérité des cheveux de Mère. C'est une couleur si banale que je regrette de ne pas avoir les tiens mais c'est vrai que d'un autre côté, nous avons beaucoup d'épaisseur, et le cheveu est plus consistant, ria-t-elle en me tendant un miroir.

Elle avait ramené mes cheveux en couronne avec mes nattes et les avaient attachés avec des petites pinces derrière mes oreilles. Elle avait réussi à intégrer de petites fleurs noires très jolie dans la couronne, ce qui rendait le tout très chimérique.

-Parfois, reprit-elle, il suffit de faire quelque chose d'assez simple, et le rendu est magique.

J'acquiesçai et me relevai. La petite robe jaune que j'avais mise attira le regard de ma petite sœur, et elle secoua négativement la tête, amusée.

-Je crois qu'il serait bon que tu te changes. Les Paladini arrivent et je doute que tu feras une très bonne impression dans ce chiffon.

-Ce « chiffon » comme tu dis, est ma plus ancienne robe, et sache qu'elle est plus confortable et malléable que toutes les autres, répliquai-je en la taquinant. Je ne suis pas faite pour porter les robes ignobles que Mère et Susan adores. Tu sais, celles avec l'armature en dessous du jupon.

VidyutaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant