40/ Des flammes dans ses yeux

35 4 0
                                    


Loren m'a aidé à l'asseoir devant moi sur le dos du cheval et ils sont tous remontés sur leur monture. 

-Loren, conduit nous à Ielcan. 

Il a hoché la tête, et j'ai resserré le corps froid de ma femme contre moi. Elle reposait contre mon torse, ses vêtements trempés n'allaient pas m'aider à faire remonter sa température mais je ne pouvais pas me permettre de la déshabiller. Inspirant profondément, j'ai été puiser en moi l'étincelle que j'avais trop souvent cherché a écarter. La chaleur qui s'en dégageait m'effrayait. Il y avait tant eu de meurtrissures, de douleur. 

Secouant la tête, je me rappelle que la vie de celle a qui je tiens le plus désormais est en jeux. 

L'étincelle m'a répondu presque instantanément. 

D'un coup, mon corps tout entier est devenu de plus en plus chaud, jusqu'à devenir bouillant. Cette chaleur ne me faisait aucun mal, j'avais déjà totalement prit feu par le passé, et mon corps en était sortit indemne. Mes yeux m'ont piqué et je savais qu'ils changeaient très légèrement de couleur. Dans mes iris noir, il devait y avoir un fil doré. Brusquement, mon pouvoir s'est emballé et je l'ai sentit débordé. Je me suis empressé de le brider. Noah s'est réveillée. Elle s'est pelotonnée un peu plus contre moi.

 -C'est fou, a-t-elle murmuré.

 -Tu n'aurais pas dû me cacher ce que tu savais, Princesse.

-Je me suis dis que si tu ne m'en avais jamais parlé, c'est que tu devais avoir une bonne raison.

-Alors tu as préféré taire tes questions ? Je suis surpris. Tu n'es pas du genre à abandonner une piste quand tu en as une.

-Viens-tu d'insinuer que je suis une fouineuse ? 

J'ai lâché un rire sardonique.

-Oui, peut-être. Malgré tout, je ne sous-entend pas que ce n'est pas une bonne chose. Ta curiosité pourrait bien finir par nous sortir de notre cauchemar. 

Elle s'est contentée de faire un « hum » avant de reposer sa tête contre mon épaule et de fermer les yeux. Je savais qu'elle ne dormait pas. Alors je lui ai parler de quelques choses qui m'avait étonné. 

-Ardadel t'es très dévoué. 

-Comme n'importe quel cheval avec son cavalier. Je prends soins de lui et il prend soin de moi. 

-Je ne pense pas, non, ai-je affirmé. Il m'a éjecté de son dos et a plongé dans la rivière pour aller te récupérer. Peu de bête se serait mise en danger comme il l'a fait pour sauver un humain.

Elle a ouvert les yeux, les sourcils froncés.

 -Je ne vois pas où tu veux en venir. 

-Nul part. Je voulais juste te narrer ce qu'il s'était passé. 

Mon attention a été attiré par Jean-Patrick qui trottait lui aussi près d'Ardadel. La langue pendante, les oreilles hautes, il reniflait le sol et grondait sur les petits mammifères que nous croisions. Bientôt, nous nous serons suffisamment éloigné de la rivière pour commencer à voir les vrais bêtes sauvages et les goules. Noah devait se reposer car nous allions certainement avoir besoin de sa SO.

Ce ne fut pas vraiment une surprise de voir un couguar traverser le chemin que nous avions emprunter une heure avant. Il n'avait pas semblé agressif et c'était contenté de filer jusqu'au seuil de la forêt qui bordait le chemin terreux. Sur le coup, Miroir avait fait une embardée sur la droite, arrachant un grondement à Loren qui tira d'un coup sec sur les rennes. Cela réveilla Noah qui s'était endormis une heure plutôt. 

Elle se redressa, hagard. D'une main rassurante, je me suis empressé de la tranquilliser et de l'obliger à se rendormir. Elle a secoué la tête. 

-Je me sens mieux, je t'assure, Nero. 

Kayden, qui avait entendu notre conversation, ralentit la marche de son cheval et vint à notre rencontre. Depuis qu'il m'avait aidé par deux fois à sauver Noahlia, je ne voyais plus sa présence comme une rivale, mais de façon différente. Il y avait une sorte de respect mutuel qui était né entre nous. Il détacha l'une de ses paumes de ses rennes pour tendre le bras vers Noah. 

-Donne moi ta main, que je vois si tu es réchauffée, la rabroua-t-il avec un sourire. 

Elle obéi sans rien dire, se contentant de poser sa petite main gantée dans celle du vétérinaire. 

-Ça peut aller, observa-t-il. J'aimerais tout de même que tu prennes un ou deux degrés supplémentaire. 

-Ne prends pas tes rêves pour une réalité, le charria-t-elle en reprenant sa main. Il fait un froid de canard dans cette forêt de malheur. 

-Certainement parce que tu as tes vêtements encore imbibés d'eaux, me suis-je permis de la charrier à mon tour en soufflant dans son oreille. 

Elle a rit, projetant un écho de joie dans le tréfonds sinistre des arbres de cette forêt. Comme un seul homme, Lucia et Loren se sont retournés, un regard tendre pour cette Princesse qui était devenue une amie. 

-Ils sécheront, m'a alors dit Kayden avec un sourire, contaminé par la joie de Noah. 

-Merci Doc.

Il a hoché la tête avant de repartir un peu plus loin. Quand il fut à bonne distance, Noahlia se retourna, une moue délicieusement maligne sur le visage. 

-J'ai l'impression d'avoir raté quelques choses. 

-De quoi tu parles ? 

-De toi et Kayden. 

-Et ?

 -Nero, ne fais pas celui qui ne comprends pas. Depuis quand est-ce que tu le respectes ? Tu l'exécrais hier encore. 

-Il a gagné mon respect en te sauvant la vie par deux fois, Princesse. Je crois qu'il ne faut pas que tu l'oublies. Sans lui, tu serais morte et je serais... 

-Célibataire ? Proposa-t-elle. 

-Détruit, ai-je corrigé. 

Son silence m'a dit bien des choses. Elle comprenait l'ampleur de ce que je voulais lui dire mais elle ne pouvais pas oublier mon comportement qu'elle n'acceptait pas. Elle était plus détendue en ma présence depuis que nous avions perdu le Général, mais elle avait encore à l'esprit le fait que je l'ai endormie avec du chloroforme et que j'avais faillit tuer le vieux Charlie quand j'ai sus qu'il avait découvert notre identité. 

-Tu prends tes sentiments trop à cœur. 

-Non, c'est toi qui n'accepte pas ce que je veux te donner. 

Elle s'est agitée sur Ardadel, soufflant du nez par un énervement soudain. Et moi, je ne comprenais pas sa colère. 

-Je ne veux pas de ton amour, Nero. Simplement parce que je ne sais pas si on sera en vie demain. Ou dans une semaine. Si nous étions toujours au château et que ce qu'il se passe ne se passait pas, oui, je ferais en sorte de tout te pardonner et d'enfin autoriser mon cœur à t'aimer au lieu de le brider comme je le fais. Mais ce n'est pas le cas. Nous sommes en pleine jungle, et une infection tue les notre. Dans ce conditions, je ne peux pas t'aimer et je ne peux pas te laisser t'accrocher à moi en sachant que tu pourrais me perdre. Justement parce que je ne veux pas que tu sois détruit si je ne m'en sors pas. Alors ne sois pas égoïste, Nero, et ne m'inflige pas ton amour en oubliant que je pourrais être détruite aussi si tu meurs. 

C'était sûrement stupide, mais tout ce que j'avais voulu retenir de ce qu'elle m'avait dit, c'était qu'elle m'aimait aussi. Bien entendu, elle n'allait pas laisser les choses se faire, ni elle, ni Les Quatre Déesses.


VidyutaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant