30/ La forêt de Mathma

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La nuit avait commencé à tomber et la densité de la forêt la rendait très sombre en fin d'après-midi. Cela rendait les sous-bois effrayants, vue de la clairière, mais rien n'était pire que la chose que j'avais vue dans les écuries. Assise contre mon cheval qui s'était allongée, je me mis à réfléchir. Le médecin n'était pas un malade, pourtant il avait survécu à une chute mortelle et s'était relevé pour attaquer une femme. La maladie l'avait lui aussi touché, mais alors que j'aurai pu croire aux histoires mort-vivants banales qui ne cherchent qu'à se nourrir, quelque chose me perturbait. C'était son sourire. Je l'avais vu sourire. Il avait semblé sadiquement heureux de s'attaquer à la femme comme un malade mental. Un mort ne pouvait pas avoir ce genre d'idées. C'était impossible, mais en ce moment beaucoup de choses impossibles semblaient avoir eu envie de changer de bord et de défier les lois du commun.

-Vous connaissez ces livres de fantaisies pour adolescent qui traitent de zombies ? Commença Loren en me déposant une couverture sur les épaules avant de s'asseoir juste à côté de moi près du feu qui crépitait.

-Non, je n'en ai jamais vraiment lu, mais je connais, oui.

-Et bien cette épidémie, elle ressemble beaucoup à ce type de livre, termina-t-il.

Je secouai la tête.

-Ce ne sont pas des zombies, dis-je en sentant le mot grincer sur ma langue. Le peu de chose que je sais, c'est que les zombies sont de la fiction, et qu'en plus, ils ne réfléchissent pas.

-Elle marque un point, s'exclama Lucia en levant sa gourde, un regard entendu pour le Garde assis à côté d'elle.

-Oui, mais nos malades, ils ont tout de même un gros point commun avec les zombies, grommela Loren.

-Lequel ? M'enquis-je curieuse.

-Et bien ils contaminent. Je ne sais pas si c'est les blessures qui transmettent la maladie, mais le médecin, il était devenu l'un des leurs.

-L'un des leurs, répétai-je pensive, un bout de bois dans la main.

Les deux Gardes me regardèrent les yeux ronds.

-Oui ? Demandèrent-ils de concert.

-Le médecin semblait différent de mon ami Cara. Quand je l'ai vu la dernière fois, elle ressemblait à une morte, le corps maigre, dans un sale état, alors que le médecin, excepté ses blessures dû à sa chute, semblait aller bien. Il n'était alors pas vraiment l'un des leurs. 

-2-0, commenta Lucia.

Loren roula des yeux.

-Laissez tomber, soufflai-je en resserrant mes bras autour de moi. J'essaie de comprendre un maximum de chose, mais je n'ai pas tous les éléments.

-Les fées vous donneront certainement les informations qu'ils vous manquent, elles sont plutôt douées pour cela.

Lucia rigola nerveusement. Elle regardait les flammes lécher les bouts de bois comme si elle était complètement hypnotisée. Sa voix s'éleva tel un chuchotement dans l'air.

-La seule chose dont je suis sûre, c'est que nous ne contrôlons plus rien.

Elle n'avait pas tort. Je ne savais pas comment se déroulait l'évacuation à Caravelle, ni si les Paladini et Atlas avaient réussi à rejoindre la frontière entre l'Ouest et le Sud. Au vu des circonstances, dire que nous avions la situation bien en main était une triste ironie. Nous avons continué de discuter un moment sur la route que nous devrions prendre pour rejoindre le plus rapidement Ilin'dur avant de nous rendre compte que Nero et le Général n'étaient pas revenus. Je me suis relevée, scrutant les sous-bois, mais je ne voyais plus l'éclat blanc de la torche.

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