11/ En garde

63 6 41
                                    


La nuit avait été rude. Comme si mon esprit avait voulu me faire comprendre sa contrariété en repoussant l'apaisement qu'aurait pu m'apporter le sommeil. Je m'étais tournée et retournée sous ma couverture sans parvenir à ce degré d'endormissement si profond que même les cauchemars ne pouvaient pas le troubler. Excédée, je sors rageusement de mon lit, les cheveux en pagailles et la mine affreuse. Ma longue chemise de nuit en soie me parait soudain très légère alors je tends le bras pour attraper mon gilet mais je vais trop vite et un éclair vint s'exploser contre mon armoire réduisant la porte à des copeaux blancs. La stupeur me glace le sang. Je suis totalement hors de tout contrôle, incapable de retenir ma Seconde Origine.

Je plie les genoux et vient m'asseoir par terre, dos contre mon lit. Moi qui espérais passer une bonne journée...Ah non, ce n'était pas une bonne journée. Il fallait que je prenne sur moi et que je me force à sourire car comme me l'avait dit Ether hier, ce mariage avec Nero allait radicalement changer mon avenir et très surement me protéger du Magistère. Mon frère m'avait dit que Nero tenait sincèrement à ma personne et que je serais très bien traité chez les Paladini. Le souci, c'était que je n'avais pas envie que l'on me porte de l'attention, je voulais simplement passer à travers les mailles du filet pour faire ma petite existence de mon côté. J'avais beau tenter de me raisonner, je n'arrivais pas à m'imaginer mariée.

Alors que je me relevais bien décidée à nettoyer le désordre que j'avais mis, Atlas arriva dans ma chambre, haletant. Il s'arrêta net devant l'état catastrophique de ma chambre et se précipita vers moi. C'est vrai que sa chambre se situait juste un étage en dessous de la mienne, entre celle de Gimel et d'Ether. Moi je vivais seule au troisième étage du château, alors que mes autres sœurs dormaient à l'autre bout, dans une autre aile. J'avais tenu à rester à l'écart de Susan qui me faisait, à l'époque, sortir de mes gonds.

-Tu vas bien ? J'ai entendu une explosion, se justifia-t-il en me prenant les mains.

Je dormais toujours avec des gants très aérien, au cas où, mais mon gant droit était en bien piteux état comparé au gauche. Atlas le jaugea, puis son visage fit la navette entre moi, ma main droite et l'armoire. Un sourire moqueur se dessina sur ses lèvres en même temps qu'une moue concernée. Je me suis détournée et j'ai mis un short de sport qui se trouvait sur une chaise. C'était impressionnant de voir le contraste entre mes innombrables robes très sophistiquées et mes autres vêtements plus communs. Dans notre société, la technologie n'avait pas fait évoluer les mœurs. La royauté devait se trémousser en robe et en costume, parler avec convenance et se faire respecter à outrance, alors que d'un autre côté, le monde avait évolué. C'était l'air des téléphones portables, des télévisions et des postes radios. Le peuple était pauvre, et quelques privilégiés se voyaient devenir riche grâce à leur naissance dans le centre de la capitale. C'était quelque chose que je détestais, se mélange abject de faux-semblant et de clair-obscur.

-Viens avec moi, me dit mon frère, me tirant de mes réflexions.

Sans rien dire de plus, il m'a entrainé hors de mon appartement alors que je protestais en essayant de dégager mon poignet de sa poigne.

-Je suis affublée d'une simple nuisette et d'un short de sport, Atlas. Si Mère me croise je suis bonne à me faire enterrer vivante.

-Luavina dort à poing fermé. De plus, il est à peine quatre heures du matin donc je ne pense pas que nous croiserons grand monde.

-Mais où m'emmènes-tu ?

-Au Dojo.

Le Dojo, c'était là ou s'entraînait les hommes de la Garde Royale au combat. C'était une salle insonorisée et très solide car certains des membres de cette milice possédaient une Seconde Origine et s'entraînaient à se battre avec. Les dégâts qu'ils pouvaient infliger à la structure étaient très impressionnant. Plus jeune, Atlas et moi nous amusions à tester mes pouvoirs la nuit dans cette salle. Il était persuadé que me faire expulser mes éclairs me permettrait de mieux me contrôler quand j'allais avoir de dures journées. Cela faisait au moins trois ans que nous n'y étions pas retournés à cause de l'incident.

VidyutaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant