20/ Foudroyante

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Mettre des mots sur mon état émotionnel actuel était impossible. Le maelstrom de sentiments qui me ravageaient me faisait trembler si bien que je dus m'arrêter dans un couloir pour me ressaisir.

Chaos. Chaos. Chaos.

Ce mot résonnait en moi comme un mantra sinistre. Voilà ce que j'avais conclus de cette réunion. Parler, c'était ouvrir la porte au chaos. Que les quatre Déesses m'en soient témoin, porter sur moi ce fardeau serait la punition pour ma curiosité. Je me mordis la lèvre en ravalant une larme lâche qui voulait dévaler ma joue. J'implorais Viviana de saupoudrer à nouveau mon existence d'allégresse, car je ne tiendrais pas plus longtemps si le monde s'acharnait à m'enterrer sous des mauvaises nouvelles. J'avais réussi à accepter mon mariage et le voir sous un autre jour, j'avais pardonné à mes kidnappeurs et m'en était fait des amis, j'avais mis de côté la remontrance que je comptais faire à Susan, j'avais gardé espoir après que Cara...

Un hoquet de tristesse secoua mon corps et se fut le signal pour que toutes mes larmes se mettent à couler. Je plongeais mon visage dans mes mains et pleurais, libérant mon âme de son tourment. Comment allais-je faire pour me marier demain sans penser à tout ça ? Sans voir le chaos dans les yeux de mon Père, sans voir la mort sur le visage de chacun des invités.

Des claquements de pas m'obligèrent à essuyer mes larmes et à paraître aussi courageuse et forte qu'à l'accoutumé. Bien que le courage m'ait déserté, c'est avec un sourire que j'accueillis Gimel, suivit d'Atlas et de Nero. Mon demi-frère ne fut pas dupe une seule seconde et fronça les sourcils quand je pris le petit dans mes bras en riant.

-Peux-tu venir avec nous faire du cheval ? S'enquit Gimel en montrant les deux hommes qui l'accompagnait.

-Si tu le souhaites, dis-je en le reposant par terre.

Il courut devant nous en criant sa joie tandis que je m'approchais d'Atlas en pleine conversation avec mon futur mari. Si je ne les connaissais pas, j'aurais pu dire que leur conversation était futile mais Nero serait les poings et son visage se trouvait qu'à quelques centimètres de celui d'Atlas. Nero ne semblait pas du tout plaisanter. Quand celui-ci me vit arriver, il se tut et reprit sa mine joviale ;

-Noahlia, nous ferais-tu le plaisir de monter à cheval en notre compagnie ? Me proposa-t-il. J'aimerais faire un concours de saut.

Gimel répondit à ma place en me tirant par la main.

-Oui, elle vient ! Mais attention Prince Nero, c'est une excellente cavalière.

Je ris.

-C'est un euphémisme, souffla Atlas en sondant mon regard. Noah monte comme une déesse.

-Arrêtes, tu me flattes trop, minaudais-je en prenant un bras à chacun d'eux. Et toi Nero, tu devrais prendre les avertissements de Gimel à la lettre.

Nous rîmes un moment avant que les deux hommes ne se lancent dans un nouveau débat qui m'exaspéra. Je souris, hochais la tête parfois, et suivis la conversation d'une oreille distraite pendant que mes yeux surveillaient Gimel qui sautillait devant nous. J'avais beau paraître concentré, je n'arrivais à penser à rien d'autre qu'aux mots de mon Père et à l'expression figée de Friedel. Atlas avait le droit d'être au courant, et ça me brisait le cœur de devoir lui cacher, quant à Nero, je n'avais, pour l'instant, aucune légitimité qui m'obligeais à lui dire ce que je savais mais ce droit de silence disparaîtrait après notre mariage.

Je fixais Atlas du coin de l'œil en me demandant la façon dont il réagirait si je lui avouais tout. Aurait-il peur ? Serait-il, comme moi, en colère ? Ou, au contraire, serait-il d'accord avec Madween ? Je n'en savais rien. J'étais incapable de me dire que ferait-il simplement parce qu'au fond de moi, je ne savais même pas quoi penser. La seule certitude que j'avais, c'était que la vérité se sait toujours à un moment ou à un autre, et que plus le mensonge était gros, plus la claque le serait aussi.

VidyutaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant