Dans un autre monde (3-1)

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Je retiens sa main légèrement contre moi, l'arrêtant dans son élan.

- Amelia, je ne suis pas sûr que ce soit une bonne idée...

Elle me regarde avec de grands yeux, comme si je lui parlais dans une langue qu'elle ne maîtrisait pas.

- Owen, n'oubliez pas votre rôle...ça paraîtrait bizarre que je ne partage pas une danse avec mon cavalier de la soirée, précise-t-elle en me souriant.

J'étais plus que réticent devant son idée, mais que voulez vous répliquer à cette jeune femme, qui semblait décidément avoir réponse à tout ? Avec des arguments systématiquement infaillibles ?
Elle resserre un peu plus ma main et reprend son avancée vers la piste de danse ; je me laisse guider cette fois ci sans broncher.
Nous arrivons au milieu des autres couples déjà en piste en quelques pas : Amelia se retourne et me lance un léger sourire tout en baissant rapidement les yeux.
Je m'approche d'elle, un peu mal à l'aise : je pose une main sur sa taille et tient sa main de l'autre, alors qu'elle fait glisser son autre main derrière ma nuque.



Le piano entame un nouveau morceau ('The way you look tonight ' de Sinatra) que je reconnais aux premières notes.
Une mélodie comme un clin d'œil à cette soirée et à la jeune femme qui était avec moi dans cet instant.
Nous commençons à bouger légèrement sur la musique.
J'essaie de garder le plus de distance possible entre Amelia et moi, sans que notre attitude ne puisse paraître bizarre.
Cette danse s'avère une véritable épreuve pour moi : je mobilise toute mon attention pour rester impassible, pour garder mes yeux concentrés sur la salle et me détacher des sensations que la proximité d'Amelia pourrait susciter.
La moitié de la chanson s'effectue ainsi dans un mode où je suis pleinement mobilisé sur tout ce qui m'entoure, me déconnectant au maximum de la femme dans mes bras, quand je perçois un bruit strident ....comme du verre brisé qui résonne du côté gauche.
Mes réflexes se mettent en marche instantanément : je resserre Amelia fermement contre moi, les deux mains calées au creux de ses reins, tout en me plaçant de dos au son, la protégeant par mon corps de l'éventuelle menace qui se manifeste.

- C'est rien Owen, me souffle-t-elle subitement.

Je baisse les yeux vers elle avant de tourner la tête et de découvrir que ce n'était que la négligence d'un serveur et non pas un détraqué à l'approche.

- Détendez-vous...

Elle me murmure ces deux mots, tout en faisant glisser sa deuxième main contre mon épaule pour rejoindre la première derrière ma nuque. Un geste qu'elle exécute presque au ralenti comme pour dénouer mes muscles et la tension qui s'était installée en quelques secondes dans tout mon être.
Je la regarde en même temps que cette sensation me parcourt : la découvrant ainsi pour la première fois, si près de moi.
Son visage me souriant, à quelques souffles du mien.
Et je suis frappé par le spectacle offert à mes yeux : une proximité qui loin de me révéler des imperfections, des artifices, des retouches qu'on ne distingue pas à quelques mètres, me renvoie un visage rayonnant de naturel, une beauté qui bouleverse presque par son authenticité.
Mes yeux restent baissés quelques instants, profitant des moindres détails que je découvre : la couleur changeante de deux pupilles, une fossette qui se dessine, la finesse d'une bouche comme imaginée par un talentueux artiste.
Mais mon observation se heurte bientôt à une autre sensation.
Ce ne sont plus seulement mes yeux qui s'évadent.
Mes doigts se réveillent à leur tour.
Pris dans mon élan quelques instants auparavant, mes mains et mon corps m'ont servi de rempart, de bouclier, effaçant cette distance que j'avais pris soin de maintenir entre nous...
Et ce n'est plus le raffinement d'un tissu que je touche du bout des doigts : c'est la chaleur, la douceur d'une peau.
Un contact qui se diffuse dans mes deux mains, alors que je remarque que mes paumes entières reposent dorénavant au milieu du dos découvert d'Amelia, une partie de son corps subtilement dévoilée par sa robe.
J'aurais dû bouger mes mains dès ce contact...et pourtant, si ma tête semble envoyer ce signal de toutes ses forces, mes doigts ne semblent pas prêts à quitter cette étendue de douceur.

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