Bodyguard

Partir ou rester...

Je n'avais pas dormi de la nuit.
La scène de l'accident défilait dans ma tête.
Et une autre scène s'immisçait régulièrement pour la chasser.
Une salle de bain pour décor, une merveilleuse jeune femme pour héroïne...
Et une myriade de sensations et d'émotions qui me tourmentaient.
J'avais peur de comprendre.
Peur de définir ce qui se passait en moi.
Peur qu'il soit déjà trop tard.

Je m'étais levé ainsi en pleine nuit, à quatre heures du matin.
J'avais pris une feuille blanche et j'avais commencé à écrire la lettre qui me semblait la seule solution adéquate à la situation.
Mais après avoir fini de la rédiger, je n'avais pas réussi à la signer.
Comme si une force invisible me retenait.
Mais il allait falloir me trouver la force d'aller jusqu'au bout.

C'est ainsi que je me trouvais depuis deux bonnes heures dans la cuisine.
Le stylo posé sur le bar.
La lettre finalisée sous mes yeux, que je relisais pour la centième fois.
Des pas feutrés se font entendre.
Je vérifie l'heure sur l'horloge présente dans la pièce, surpris qu'elle soit levée à 6 heures du matin...un dimanche.
Quand elle pénètre dans la pièce, son apparence me frappe : les cheveux en bataille, le visage baissé, la mine abattue...et un simple grand tee-shirt sur elle, en guise de pyjama, qui dévoilait la majeure partie de ses jambes.
Pour ma part, j'étais déjà habillé, en mode casual pour une fois : jean et simple tee-shirt.

- Amelia, il est 6 heures du matin...

Elle s'avance et s'assieds sur un tabouret contre le bar, face à moi.

- Je sais...mais je n'arrive pas à dormir...

Son regard trouve le mien pour la première fois de la journée et je suis bouleversé par ce que j'y vois : de la lassitude, de l'inquiétude, du désarroi.

- Pourquoi vous n'arrivez pas à dormir ?

Son regard quitte le mien et se dirige sur mes mains, posées sur le bar puis sur la feuille de papier devant moi.
Je décale un peu plus la feuille et place mes mains dessus pour cacher au maximum les mots inscrits dessus.

- Qu'est-ce que vous écrivez ?

Je ne pouvais pas lui dire.
Son état ce matin m'affole à moitié, à l'opposé de son attitude de la veille.
Je ne pouvais pas lui dire....

- Rien d'important, quelques idées, des choses à faire....

Je cherche ses yeux et finis par recapter son attention.

- Qu'est-ce qui se passe Amelia ?

Elle reste silencieuse quelques instants.
Et j'observe ensuite un spectacle qui me serre le cœur : des reflets brillants qui s'installent au fil des secondes dans ses yeux...les reflets de larmes qui naissent et qui ne demandent qu'à s'échapper.

- Je ne sais pas....hier soir, je pensais que ça allait...mais je crois que je n'étais pas complètement consciente de ce qui s'est passé...et...dès que j'ai posé ma tête sur l'oreiller, j'ai revu cette scène défiler sous mes yeux : les phares de cette voiture qui m'aveuglaient...la violence du choc...et cette réalité que j'aurais pu mourir...qu'il voulait me tuer...

Une larme coule le long de sa joue droite au moment même où elle murmure ce dernier mot....tuer...
Un mot qui résonne dans la pièce et me fait percevoir le traumatisme que représente pour elle cette expérience....une expérience bouleversante où la menace ne s'avère plus seulement virtuelle mais bien réelle.