Chapitre 8 : Till

226 16 4
                                    


Nous avions bien sympathisé avec ces cinq jeunes. Le destin a décidé de ne pas en rester là et nous les recroisâmes dans la rue. Le hasard ? Je ne crois pas. Nous marchâmes jusqu'à un parc où ils avaient l'habitude vraisemblablement d'aller. Et je comprenais pourquoi. Cet endroit était des plus magnifiques et je me sentais apaisé. Emma sortit sa basse de l'étui et gratta les cordes. Elle joua Rosenrot. Et sa voix raisonnait en moi comme une révélation. Je la regardais jouer attentivement. Je fus hypnotisé par sa voix, par ses doigts glissant sur les cordes et son petit sourire en coin. Elle semblait paisible, sur un petit nuage. Après quelques minutes, la chanson prit fin. Comme on dit, toutes les bonnes choses ont une fin. Et voir Emma chanter et jouer de la basse en même temps en est un. Je me sentais un peu déçu qu'il y ait une fin à cette chanson. D'autant plus que c'était moi qui en était l'auteur. Nous restâmes un moment encore dans ce parc à discuter, à rire ensemble. Emma rangea sa basse et vint un peu discuter avec moi. Elle était assise près de moi et une joie certaine envahit mon cœur et mon âme. Elle était près de moi physiquement. Cette raison était ridicule mais me rendait heureux. Elle me trouvait ailleurs, un peu absent. Et elle n'avait pas tort. Mais je décidais de mentir en lui disant le contraire. Elle ne semblait pas se douter de quoi que ce soit. Après un certain temps, nous décidâmes tous ensemble de quitter le parc pour aller boire un verre ensemble dans un bar qui venait d'ouvrir d'après ce qu'Emma disait. Nos fîmes le chemin inverse et la chanteuse profita d'être près de chez elle pour déposer sa basse. Peu de temps après, elle nous avait rejoins sur la terrasse du bar. Je m'étais arrangé pour m'asseoir en dernier afin de garder une place de libre près de moi pour la jeune femme. Par défaut, elle prit donc place à mes côtés. Je jubilais intérieurement, comme un ado qui avait son premier rendez-vous amoureux. Je me sentais plus jeune, plus sur de moi, presque conquérant. La serveuse prit notre commande et revint quelques minutes plus tard avec un immense plateau. Elle nous servit et repartit derrière le bar. Nous buvions nos bières tout en discutant de tout et de rien comme ces derniers jours ou nous nous étions croisés. J'avais bu la moitié de mon verre lorsqu'un élan de courage ou de folie, je ne saurais dire, me piqua. Je posais ma main sur sa cuisse. Je fis en sorte de cacher mon geste sous la table pour que cela reste entre elle et moi, comme une forme d'intimité. Sa réaction ne se fit pas attendre. Elle devint rouge comme une tomate et elle était mal à l'aise. C'était évident. Elle se tortillait de gêne. Je laissais ma main sur sa cuisse tout en feignant le plus grand des calmes, comme si la situation était tout à fait normale. Bien sûr, il y avait la différence d'âge. Mais pour moi, ce n'était rien d'autre qu'un insignifiant détail. Surtout, je n'avais pas envie de rater une occasion avec une jolie femme pour une différence comme celle-ci. D'ailleurs, l'âge n'a jamais été un problème à mes yeux, tant qu'il y a de l'amour. Quoi qu'il en soit, elle finit par se calmer, si on peut appeler ça comme ça, et fit comme si de rien n'était. Elle était toujours un peu rouge sur les pommettes, ce que je trouvais craquant. De mon autre main, je pris mon verre de temps à autre pour en boire le contenu. Lorsque tout le monde eut fini son verre, Richard annonça que c'était sa tournée, ne nous laissa pas le temps de protester et se leva pour aller régler la note. Il pénétra dans l'établissement et en ressort un instant plus tard. Je retirai ma main et nous nous levâmes. Emma attrapa mon poignet et je me tournais vers elle. Je voyais dans son regard une lueur de stress, d'angoisse.

Emma : est ce qu'on peut se mettre un peu à l'écart des autres ? J'aimerai te parler...

Till : bien sûr, tout ce que tu voudras.

Nous laissâmes les garçons passer devant et nous les suivîmes, à une distance raisonnable pour éviter que de malencontreuses oreilles entendent notre discussion. Je me doutais de ce qu'elle allait me dire mais je la laissai me dire les choses à sa manière. Je ne regrettais pas mon geste mais je craignais ce qu'elle allait me dire. J'appréhendais en silence.

Emma : pourquoi ?

Till : quoi pourquoi ?

Emma : tu sais très bien de quoi je parle... Ne fais pas l'innocent...

Till : et bien... Je peux être direct sans que tu prennes peur ?

Emma : dis moi...

Till : tu me plais beaucoup. Tu es talentueuse, tu es jolie et tu me fais rire. T'as un sourire communicatif.

Voila, la messe est dite. Je guettais du coin de l'œil sa réaction. Elle semblait hébétée, perdue, comme si elle avait vu un fantôme ou je ne sais quoi de fou. Elle resta silencieuse plusieurs minutes et nous continuâmes de marcher côte à côte sans piper mot. Je la laissais assimiler la chose. Je me doutais plus que bien que ce n'était pas aisé de digérer ce genre de chose. Encore plus venant de moi, puisqu'elle semble nous vénérer comme des dieux. J'essaye d'imaginer ce qu'il se trame sous sa chevelure brune. Est-ce que c'est réciproque ? Est-ce qu'elle va me dire oui ? Est-ce qu'elle va me jeter ? Est-ce que je lui plais, ne serait-ce qu'un peu ? Je pouvais regarder son visage autant que je le voulais, je n'arrivais pas à déceler quoi que ce soit sur son visage. Ses sourcils froncés, elle continuait de marcher. Un instant après, qui me parut une éternité, elle releva le visage vers moi et s'arrêta net. Je fis quelques pas devant elle, m'arrêtai à mon tour et me tournai vers elle.

Till : oui ?

Emma : c'est une blague. Ça ne peut pas être autre chose qu'une blague.

Till : je t'assure ce n'est pas une blague. Je suis très sérieux.

La jeune fille retourna dans son mutisme. Ça en devenait gênant. Un malaise prit place dans ma poitrine. Mon cœur se serra sous le stress. Elle pensait que tout cela était une grosse blague. Je me sentais un peu vexé. D'ailleurs, pourquoi pensait-elle cela ? Avait-elle eu de mauvaises expériences ? Elle me faisait douter de moi, chose qui n'arrivait jamais. Plein de questions se bousculaient en moi et cette situation me faisait angoisser un peu trop. Le silence dans lequel elle se murait devenait de plus en plus lourd, de plus en plus pesant.

Till : dis quelque chose s'il te plait...

Emma : je... je...

Till : tu ?

Emma : je ne sais pas...

Till : réfléchis...

Emma : je vais voir...

Till : d'accord...

Really?Où les histoires vivent. Découvrez maintenant