Chapitre 15 : Emma

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Je venais de rentrer chez moi. Il m'avait raccompagnée jusqu'en bas de ma rue avant de rentrer à son tour. Je ne savais pas tellement comment prendre ce rendez-vous. Amoureux, amical, les deux... Je ne savais plus où donner de la tête. Quelque part, je ressentais une certaine satisfaction quand il n'était pas loin de moi. Etait-ce uniquement de la satisfaction ou bien plus ? Je décidais d'appeler une amie très proche. Elle était toujours de bons conseils et la cerise sur le pompon, elle exerçait le métier de psychologue. Elle décrocha à la deuxième sonnerie et me salua aussi chaleureusement que le permettait le téléphone. Je lui expliquais la situation rapidement et précisément. Elle me proposa de passer à son cabiner le lendemain matin. Un patient s'était désisté une dizaine de minutes avant mon appel, elle avait donc un créneau d'une heure environ entre deux patients. Nous raccrochâmes et je continuais à vaquer à mes occupations. Till et son cadeau ne quittaient pas mon esprit. Je tentais de me changer les idées en faisant le ménage dans mon appartement et en allant faire quelques courses au supermarché. Le soir même, mes amis passèrent me récupérer et m'emmenèrent au cinéma pour voir je ne sais quel film. Je n'écoutais pas vraiment leur discussion tout le long du trajet.

Enzo : hey poulette tu m'écoutes quand je te parle ?

Emma : hein quoi ? Oui non désolée... Tu disais ?

Enzo : je disais que ça serait bien qu'on essaye de se caser une ou deux répètes en plus dans la semaine pour la journée de la musique. Je sais que ce n'est que dans deux mois mais bon... Comme ça on est sûr d'être au point, tu vois ce que je veux dire ?

Emma : ouais je comprends ton inquiétude. Je vais y réfléchir, je te dirais ça d'ici quelques jours.

Enzo : cool !

Noa : je ne pense pas qu'on est en vraiment besoin. Faut qu'on répète, c'est sûr, mais peut-être pas rajouter une ou deux répétitions en plus. Je pense qu'on assure déjà. Je ne vois pas trop l'intérêt perso...

Maxime : Je dirais plutôt qu'on devrait bosser sur les points où on est plus faible en répète, insister dessus quoi... Mais je pense aussi que des répètes en plus ne serviront pas à grand-chose.

Noa : mais faible ou ça ? Là Max' tu cherches la bestiole là où il n'y en a pas ! Je suis désolé mais ce que tu dis ce n'est absolument pas fondé.

Ils continuèrent de se chamailler jusque devant la salle de projection. Ils me faisaient tellement rire ces clowns. Ils avaient la capacité de tourner au ridicule la discussion la plus sérieuse du monde. Dès que nous passâmes la porte de la salle, billets en mains, ils se calmèrent immédiatement et nous nous installâmes dans une des rangées du milieu. Quelques instants après, les lumières furent coupées et les pubs commencèrent passer sur l'écran géant. Ce moment était le plus désagréable lors d'une diffusion d'un film, à mon sens. Et je n'étais pas la seule à penser cela à priori, puisque j'entendis des gens râler tout bas dans une rangée un peu plus basse que la nôtre. Le film, qui était un film d'horreur, dura deux bonnes heures et demie et était carrément nul. Je n'avais jamais vu un navet comme celui-ci. Je m'ennuyais à mourir. Till s'insinua encore dans mon esprit. Son regard. Son sourire discret. Lui. Je ne comprenais pas vraiment pourquoi je pensais à lui, surtout de cette manière. Avant de le rencontrer en chair et en os, je le voyais comme mon idole, mon exemple. Maintenant que nos routes s'étaient croisées et que nous avions passé du temps ensemble, je ne savais plus quelle image j'avais de lui. Il était toujours un artiste accompli, c'était indéniable. Le détail qui changeait maintenant, c'est qu'il me regardait avec un regard d'homme, un regard peut être amoureux ou du moins, empli de désir. Et cela me perturbait intensément. Je pense que cela m'aurait largement moins décontenancée si cela venait d'un homme lambda. Mais Till était tout sauf un homme lambda, que ce soit au niveau de son métier ou bien au niveau de son physique. Il était grand et massif, un tas de muscles au sens littéral du terme. Son physique ne correspondait pas du tout aux caractéristiques françaises. Les hommes étaient plus petits, moins musclés. En somme plus discrets que Till ou ses acolytes. Je me perdis encore un peu plus dans le fil de mes pensées et je revins sur terre lorsque les lumières se rallumèrent dans la salle, signalant la fin du film. Je fus éblouie par la puissance de l'éclairage. Le film, bien qu'un peu long, était passé à une allure folle. J'étirais mes jambes engourdies avant de me lever. Les garçons se levèrent à leur tour et nous sortîmes de la salle puis du cinéma. Nous discutâmes sur le trajet du retour du film et nous nous accordèrent à dire que ce film était le pire des navets. Sur la fin, nous nous dispersâmes pour rentrer chez nous puisque nous habitions dans des rues différentes, mais proches les unes des autres. Une fois arrivée chez moi, je délaissai mes habits noirs et mes grosses rangers pour un pyjama gris clair, léger et fluide. Je m'installais dans mon lit après avoir branchés mon téléphone portable. Je pris le livre qui était sur ma table de chevet et pris place confortablement sous mes draps pour lire quelques chapitres. Mes paupières devinrent de plus en plus lourdes. Je posais mon livre sur mon chevet et éteignis la lumière pour me coucher. Ce fut une nuit sans rêve. Le lendemain, je me levais et me préparais tranquillement, sans me presser. J'attrapais mon sac et y fourguait mon portefeuille, mon portable ainsi que quelques papiers. Je pris mon trousseau de clef, sortis de l'appartement, ferma la porte et partis. J'arrivais dix minutes en avance. Je m'installais dans la salle d'attente du cabinet, ou plusieurs professionnels se regroupaient. La secrétaire me regardait avec des yeux outrés. Surement mon style vestimentaire. Elle ne pipait mot mais je sentais bien qu'elle n'approuvait pas le moins du monde mon style, ma personnalité... Mais son regard, son avis n'étaient pas important. Absolument pas. Cette femme semblait être le cliché de la secrétaire coincée, avec des idées très arrêtées sur le style vestimentaire à avoir, le comportement à suivre et ainsi de suite. Les dix minutes passèrent tranquillement, sans que la secrétaire ne me lâche des yeux. Mon amie sortit de son bureau pour raccompagner la jeune femme à la sortie du cabinet. Elle se tourna ensuite vers moi et m'adressa un grand sourire. 

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