Really?

Chapitre 30

J'avais froid. Un frisson parcouru ma colonne vertébrale et mes bras. J'ouvris les yeux et je remarquais que j'étais dans mon bain. L'eau était froide, tout juste tiède avec un peu d'imagination. Je me frottais les yeux pour me réveiller un peu et me levais. Je retirais le bouchon de son emplacement et le déposais dans le coin de la baignoire. Je sortis de l'eau tandis qu'elle se déversait dans les canalisations. J'attrapais le peignoir suspendu au crochet et m'emmitouflais dedans. Je sortis de la pièce pour prendre dans mon armoire un pyjama un peu plus chaud que ce que j'avais sous mon oreiller. Je ne me fis pas prier une fois que je l'eus trouvé. Je suspendu le peignoir sur la chaise du bureau pour qu'il sèche. Une fois le pyjama enfilé, j'attrapais machinalement la télécommande et m'étalais de tout mon long sur le lit. Je mis en marche la télévision et zappais un peu pour voir ce qu'il y avait. Je tombais sur les experts et laissais l'épisode tourner en fond sonore. La série avait déjà commencé et je ne comprenais pas spécialement ce qu'il passait. Qu'importe. Je croisais mes bras sous ma nuque pour m'installer un peu plus confortablement. Je me mis à réfléchir. Sérieusement. Et ce n'est jamais bon de « réfléchir sérieusement ». Il y a de quoi se faire des nœuds au cerveau. Qu'est-ce que je désirais ? Rester ou rentrer ? Est-ce que cela impacterait le groupe et le travail qui en découlait, la préparation d'un autre album et tout le reste ? Est-ce que ça dérangerait mes amis de rentrer sans moi ? Si je restais, ou est-ce que j'allais dormir ? Chez Emma ? Prolonger ma chambre ? Prendre un airbnb ? Je trouvais facilement la réponse aux trois dernières questions. Je pourrais prendre un airbnb et si je n'en trouve pas, je prolongerai ma chambre à l'hôtel. En ce qui concerne les gars, je ne pense pas que cela les dérange outre mesure et je ne pense pas que nous reprendrions le travail tout de suite après notre retour, dans tous les cas. Généralement, lorsque nous revenons de vacances, souvent bien méritées, nous délaissions les studios au grès de promenade au parc, des séances de cinéma et de concerts dans des pubs attirant beaucoup de rockeurs et de métalleux. Nous ne nous étions jamais vraiment forcés en ce qui concerne l'inspiration. Nous avions généralement un carnet sur nous ou à proximité au cas si nous avions une idée subliminale pour notre prochain album. Je mis un peu plus de temps à me décider quant au reste des questions. Je me tournais et retournais l'esprit, et surtout mon cœur. Quand j'y pensais, je ressentais bien plus de choses que je ne l'imaginais, et surtout que je voulais bien admettre, pour Emma. Cela dépassait la simple attirance physique. Par moment, je nous imaginais ensemble jusqu'à la fin de nos jours, éventuellement mariés. Je nous imaginais aussi en plein barbecue avec nos futurs enfants en plein été, le dimanche. Je me surpris alors à vouloir devenir père de ses enfants. Si ça n'est pas une preuve d'amour, je ne sais pas ce que c'est exactement. Au bout d'un long moment, je me décidais à rester encore un moment près d'elle pour une durée indéterminée. Je me levais, éteignis la télévision, attrapais la clé de la chambre et sortis pour aller toquer dans la chambre à côté. J'avais envie de partager ma décision avec les gars. Richard mit du temps à m'ouvrir. Nous tombâmes l'un en face de l'autre et il semblait s'être reveillé à l'instant. J'en fus un peu décontenancé.

Richard : oui Till ? Qu'est ce que tu veux ? Il est presque une heure du matin... J'espère que tu as une bonne raison de me réveiller à cette heure-là ?

Till : oh pardon...

Richard : bon je sens que t'as un truc à dire, vas y dis moi, tant qu'on est là.

Till : ...

Richard : allô la lune ici la terre tu me reçois mon vieux ?

Till : je vais rester encore un moment ici.

Richard : très bien. Fais comme tu le sens. Si ton cœur te dit de rester encore un peu, vas y fonce.

Till : bon je ne t'embête pas plus, bonne nuit. Et désolé de t'avoir réveillé, je n'ai pas fait attention à l'heure.

Richard : ce n'est rien. Par contre, je pense que tu devrais attendre demain pour l'annoncer aux autres, vu l'heure. Bonne nuit toi aussi.

Till : oui bien sûr ! Dors bien.

Richard referma la porte de sa chambre en se frottant les yeux. Je me tournais vers ma chambre pour y entrer. Je n'avais pas réalisé que la nuit était si avancée. Et ces réflexions m'avaient tenues éveillé un bon moment. Bien évidemment, cette décision me tint éveillé toute la nuit comme si j'avais bu des litres et des litres de café. Le lendemain matin, après avoir zappé je ne sais combien de fois les chaines télévisées, mon réveil sonna à huit heures tapantes. Nous nous donnions rendez-vous aux alentours de huit heures trente à la réception pour aller prendre le petit déjeuner tous ensemble. Je me levais, fis quelques étirements pour soulager mes muscles un peu raides et filais à la douche. L'eau fraiche m'aida à mieux me réveiller et à être à peu près frais pour une nouvelle journée. J'angoissais quant à la réaction de mes amis de toujours. Quelque part, je savais qu'ils ne m'en voudraient pas le moins du monde mais c'était psychologique. J'avais peur qu'ils me jugent. Quoi qu'il en soit, je m'habillais, me coiffais rapidement et sortis de la chambre sans oublier ma clé. Après quelques minutes, j'arrivais à l'entrée de l'hôtel. Deux de mes amis étaient déjà là et bavardaient de choses et d'autres. Je m'avançais vers eux pour les saluer. A priori, ma nuit blanche ne se voyait pas spécialement sur mon visage. Un grand soulagement me détendit alors. J'aborderai le sujet tout à l'heure un peu plus sereinement. Les autres ne se firent pas attendre puisqu'ils arrivèrent une ou deux minutes après moi. Nous nous dirigeâmes alors vers la salle où se tenait le buffet. Nous nous servîmes, comme ces derniers jours, copieusement d'un peu de tout, pain, beurre, fruits frais, yaourts, cafés... Nous attaquâmes alors ce premier repas de la journée avec appétit. Petit à petit, je sentais qu'il était temps pour moi de leur annoncer la nouvelle.

Till : les gars ?

Cinq paires d'yeux un peu surpris se tournèrent vers moi. Ils stoppèrent aussi toutes leurs discussions. Ils me fixèrent en attendant que je parle.

Till : je ne rentre pas avec vus à Berlin aujourd'hui. Je... j'ai décidé de rester encore un peu ici. J'ai envie de rester avec Emma encore un peu... Ne serait-ce que quelques jours.

Voila. C'était dit. La « bombe » était lâchée. Je ne savais absolument pas comment ils allaient réagir.