Really?

Chapitre 13 : Till

Ça y est. Je lui avais dit. J'avais craché le morceau. Quelque part, je savais que mon comportement allait finir par me trahir. Ce n'était qu'une question de temps, après tout. Cependant, je ne m'attendais pas à ce que ce soit si tôt. Dans ce genre de situation, il valait mieux que ce soit dit rapidement. J'espérais sincèrement que cela ne créerait pas de malaise entre nous. Ça m'embêterait vraiment. Quand bien même elle me plaisait, nous nous entendions très bien. Je ne pensais pas dire ça puisque nous nous connaissions depuis peu. D'habitude, je préférais voir avec le temps si je m'entendais vraiment avec quelqu'un après des discussions, des moments passés ensemble... Cela me soulageait d'avoir franchi ce premier cap avec elle, mais cette petite voix – la voix de la raison ? – dans un coin de ma tête me disait attention, elle est jeune, t'as l'âge d'être son père. J'étais de plus en plus sûr de ce que je ressentais pour elle mais je doutais toujours quant au fait de passer à l'acte, d'essayer de la séduire. Cette voix commençait à me tourmenter petit à petit et à monter en puissance à chaque moment passé avec elle. Cette voix de la raison, si je peux l'appeler comme ça, résonnait de plus en plus fort en moi. Elle me soufflait à l'oreille que c'était mal, qu'elle était trop jeune, trop enfantine par rapport à moi. Comme une sorte de confrontation entre la maturité qu'apporte mon âge et l'insouciance de sa jeunesse. Elle essayait aussi de me persuader que j'allais abuser d'une enfant. Emma n'était plus une enfant depuis longtemps, je le savais. Pertinemment. Son âge, une vingtaine d'année, vingt cinq tout au plus, me perturbait. J'avais été mariée, elle non, sans trop de doute, j'avais une fille, qui a presque son âge à quelques années près. Qu'est ce que ça voulait dire ? Que je ne voulais pas vieillir ? Aucune idée. Je m'embrouillais tout seul à force d'essayer de m'analyser moi-même. Il fallait que je demande conseil à mes amis de toujours quand je reviendrais à l'hôtel. Ces questions me travaillaient l'esprit d'une force que je n'aurais jamais soupçonné. Je me concentrais à nouveau sur la jeune femme près de moi. J'avais l'impression que la gêne était presque partie.

Till : ça te dit qu'on aille promener ?

Emma : oui je veux bien. J'ai une course à faire, tu m'accompagnes ?

Till : avec plaisir !

Nous nous levâmes et je partis payer l'addition au comptoir. Emma me remercia de l'inviter mais ce n'était pas grand-chose. Je la suivis donc dans un dédale de rues que je ne connaissais pas et dans lequel je perdais mes repères. J'avais beau avoir un sens de l'orientation qui tenait la route, je n'arrivais plus à savoir ou est ce que j'étais. Je lui fis cependant confiance. Elle était de la ville et connaissais certainement tous les raccourcis, les rues et autres recoins. Je la questionnais un peu sur elle, ce qu'elle faisait à côté de la musique et tout le reste. J'appris donc qu'elle avait toujours fait de la musique, d'aussi loin qu'elle s'en souvenait. Elle chantait et jouait non seulement de la basse, mais de la guitare, de la batterie et du piano. Elle était bien plus talentueuse que je ne l'imaginais. Quant à son emploi, elle travaillait dans un conservatoire et donnait des cours de guitare en grande partie. Elle vivait, comme moi, de sa passion. J'en étais admiratif. Quand on y réfléchissait, peu de gens dans le monde arrivait à vivre de leur passion. Nous arrivâmes devant un magasin de musique. Nous y entrâmes et la jeune femme fila directement dans le coin consacré aux guitares et basses. Elle porta attention surtout aux médiators. Elle en testa plusieurs et jeta son dévolu sur trois d'entre eux. Elle passa en caisse et régla la note. Une fois ces achats finis, nous continuâmes à promener dans les rues. La ville avait un charme que je n'avais pas remarqué. J'appréciais de plus en plus cette ville, et pas seulement à cause d'Emma. La discussion continuait bon train et mais un petit malaise persistait. Elle esquivait certaines questions un peu personnelles que je tentais de lui poser. Il était peut-être un peu tôt pour les lui poser, cependant, j'avais envie de tout savoir d'elle, ses passions, ses hobbies, son parcours scolaire et professionnel, ou est ce qu'elle avait vécu quand elle était enfant, adolescente et si elle était de la région ou non. Suite à cette discussion, j'appris qu'elle avait eu un parcours scolaire chaotique et qu'elle avait laissé tomber l'école vers dix-huit ans. Elle avait toujours été musicienne, d'aussi longtemps qu'elle se souvienne. Ses parents faisaient partis d'un orchestre local et elle avait toujours baigné dans la musique. Elle avait appris très tôt à jouer de la guitare, puis de la basse et de la batterie. Le chant avait suivi et petit à petit elle était devenue une musicienne accomplie. Comme elle avait stoppé ses études assez tôt par rapport à la moyenne, elle s'est trouvée du travail en intérim afin d'assurer son indépendance ainsi que continuer à vivre sa passion. La chance a tourné et une offre d'emploi de professeur de musique dans un conservatoire s'est présentée. Elle eut un entretien, décrocha l'emploi mais dû quitter sa petite ville natale du sud de la France. Elle était arrivée ici avec uniquement une basse et son sac à dos contenant quelques maigres affaires. Petit à petit, elle s'est construit une place au conservatoire, une bande d'amis, un groupe, une vie en somme. Elle semblait épanouie dans cette vie. Parfaitement épanouie. Je ne portais plus attention aux rues dans lesquelles nous passions. J'étais bien trop fasciné par son parcours et ce qu'elle était devenue maintenant. Nous retombâmes dans la rue du bar de notre première rencontre. Je jetais un coup d'œil à mon téléphone pour savoir l'heure. Nous étions déjà en fin d'après-midi. Le temps passait à une vitesse folle. Je n'avais pas vraiment envie de rentrer à l'hôtel. Mais il fallait rentrer malgré tout.

Till : je suis heureux de t'avoir revue, seule à seul.

Emma : moi... aussi.