Jour 1 - Samedi soir - Partie 2

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Sabrina se raidit aussitôt, n'essayant pas de masquer sa colère. Comme l'inconnu lui barrait le passage de par sa carrure, elle croisa les bras, coincée. Il faut dire que le couloir destiné à faire circuler les spectateurs entre la salle de spectacle et les toilettes n'étaient pas large. Deux personnes peinaient à se croiser de front. Pour une telle installation, on aurait pu penser tout cela plus ergonomique.

L'espace d'une seconde, la jeune femme se demanda même si ce couloir était suffisemment large pour laisser passer un fauteuil roulant. Elle n'en était pas convaincue. A moins que les Personnes à Mobilité Réduites disposent d'un autre emplacement, cela devenait compliqué pour elles d'aller se soulager.

Mais l'heure n'était absolument pas à ces questions d'ergothérapeutes.

- Vous me suivez ? Lança la brune, agressive.

Les sourcils de l'homme se levèrent, comme s'il la voyait pour la première fois.

- Je vous retourne la même question, répondit-il avec innocence.

Elle le détailla furtivement. Son regard bleu et espiègle lui donnait l'air d'un enfant dans un corps d'adulte. Pourtant les traits gravse autour de sa bouche témoignaient du fait qu'il ne mentait pas. Se pouvait-il qu'il soit sincère ?

Non. La coïncidence était trop grande.

- N'essayez pas de jouer au plus malin avec moi.

Il leva un sourcil, interrogateur.

- Hé bien quoi ? Je ne peux plus circuler ?

Sabrina lui lança des éclairs, bien décidée à ne pas se laisser faire par cette incarnation de la mauvaise foi.

- Bien sûr que si, mais avouez que c'est étrange de vous croiser le même jour dans tous les endroits où je me trouve. Qui êtes-vous ?

Cette question arracha un sourire à l'inconnu, bien que la jeune femme ne voit pas ce qu'il y avait de drôle.

Il s'adossa au mur, comme si la conversation prenait un tournant plus léger, presque amical. Deux ados à la sortie du lycée.

- Je ne sais pas si je dois vous le dire, vous risqueriez de me traiter de menteur.

Elle n'aimait vraiment pas son petit jeu.

- Essayez toujours.

- Non.

- Je peux au moins avoir votre prénom, alors ?

- Raphaël.

Ni plus, ni moins. Le monsieur n'était donc pas bavard, Sabrina le nota mentalement.

Le fait qu'il réponde aussi facilement à sa question la désarçonna, elle ne s'y attendait pas. De fait, elle ne savait pas quoi répondre.

Le silence qui s'installa entre eux fit l'effet d'une mauvaise odeur. Sabrina avait l'impression que Raphaël attendait qu'elle parle, mais pour dire quoi ? Que lui voulait-il ? Et pourquoi ne pas lui dire qui il était ?

Elle cligna des yeux, le regard perdu dans le vague, quelque part derrière l'épaule du brun. Il lui revint subitement en mémoire que Jérémy était toujours tout seul dans la salle et qu'il aurait raison de s'inquiéter de son départ.

Le son étouffé de la musique leur parvenait, créant une ambiance intimiste déplaisante en ces circonstances. La jeune femme ne se sentait pas à l'aise, mais n'aurait su dire pourquoi. Elle ne se sentait pas menacée, mais pas en sécurité non plus. Le fait de ne rien connaître de cet homme très étrange provoquait en elle un torrent de questions curieuses.

Je n'ai vraiment pas la tête à ça en ce moment... je voudrais être un peu tranquille, sans me poser de questions sur les gens qui m'entourent.

Après avoir avalé sa salive et redressé les épaules, elle se sentit plus forte pour annoncer :

- Bon hé bien, Raphaël, je vais retourner voir le spectacle. Au revoir.

Puis elle claqua des talons et s'en alla. Lorsqu'elle parvint à la hauteur du jeune homme, celui-ci se décala. Elle aurait pensé qu'il la mettrait en difficulté, l'obligeant à se coller au mur ou contre lui pour passer, mais non. D'une manière très polie, il lui laissa sa place et s'en fut.

- Au revoir Sabrina, l'entendit-il lui répondre.

Elle frissonna. Comment connaissait-il son prénom ? Cela ne pouvait être qu'un spectateur venu voir son spectacle.

Je devrais en parler à Jérémy...

Bien que remontée contre lui et les cachoteries qu'elle lui soupçonnait, il avait le droit de savoir. Et puis, après tout, elle commençait à se sentir en danger, maintenant. Suivie par un inconnu qui avait l'air de la connaître alors qu'elle ne savait rien de lui. Il y avait de quoi paniquer, et s'il lui arrivait quelque chose, son compagnon pourrait s'inquiéter et faire le nécessaire plus rapidement.

Pourvu que cela n'arrive pas...

La gorge nouée, elle revint dans la salle où personne ne faisait attention à elle, tant le public observait le spectacle avec attention. Sur scène, les artistes poursuivaient leur show, très à l'aise, à mille lieues de ses tourments intérieurs. Elle enviait leur grâce, leur élégance. Peut-être qu'une fois rentrés chez eux, eux aussi avaient des soucis, eux aussi se posaient des questions sur leur avenir, leur conjoint... mais ils parvenaient à tout oublier le temps de chanter, danser et donner du plaisir.

Elle aussi faisait ça, avant. Chaque fois qu'elle montait sur scène, elle devenait son personnage. A la fois inspiré de sa vie et une autre, elle récitait son texte avec force, le vivant chaque soir d'une nouvelle manière. Sa vie imprégnait son oeuvre, pourtant personne ne se doutait jamais de ce qui se passait une fois les lumières de la scène éteintes, une fois démaquillée, une fois qu'elle rentrait chez elle.

Ce soir, tout cela remonta à la surface.

Tandis qu'elle déambulait à travers les allées pour retrouver la sienne, son coeur se serra.

Ressaisie toi bon sang !

Là, elle trouva sa place, s'engagea dans la rangée. Lorsqu'elle s'assit, Jérémy tourna un regard interrogateur vers elle. Il attendait qu'elle lui dise que tout allait bien. Pouvait-elle lui mentir ?

- Il faudra que je te parle, souffla-t-elle pour ne pas déranger les personnes alentours.

Son compagnon fronça les sourcils.

- Qu'est-ce qui se passe ?

Il avait sentit le malaise dans la voix de la brune et s'en alarma. Pour preuve, il lui saisit la main et la pressa dans un geste affectueux. Sabrina baissa la tête, émue. La peur ressentie face à Raphaël se mua en un sentiment plus doux pour celui qu'elle aimait.

Mais le mystérieux jeune homme ne tarderait pas à revenir, et elle craignait qu'il la voit perturbée.

- Je te le dirai à la sortie.

- Le spectacle se termine bientôt, renchérit Jérémy pour l'inciter à se confier dès maintenant.

Mais Sabrina ne dit rien, perdue dans ses interrogations.

Lorsqu'elle tourna la tête vers le bout de sa rangée pour voir si Raphaël était revenu, elle faillit pousser un cri.

Il n'était pas revenu et pour cause, le siège qu'il occupait plus tôt avait carrément disparu.

Une semaine pour me prouver que tu m'aimes [TERMINÉ] #WATTYS2020Où les histoires vivent. Découvrez maintenant