Prologue - Partie 2

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Une rivale ?

L'absence de Jérémy à cette ultime chance de l'applaudir ne pouvait qu'être une preuve de son désintérêt grandissant. Après-tout il était banquier et elle saltimbanque, que pouvaient-ils bien faire ensemble ? Un bon parti et une mendiante, un rationnel et une artiste, l'issue fatale n'était qu'une question de temps, à bien y regarder.

- Non !

Sabrina serra les poings et les frappa sur ses genoux. Une larme venait de rouler le long de sa joue et pourtant c'était bien la colère qui l'envahissait à présent. Elle ne pouvait pas laisser cela se produire. D'un geste rageur, elle essuya la goutte salée pour la faire disparaître.

Soudain, elle entendit un froissement de tissu et des pas précipités dans son dos. Lorsqu'elle se retourna, ce fut pour voir entrer en trombe son petit-ami. Visiblement, il avait couru car il respirait fort et de manière saccadée :

- Sabrina ! Ho Sab', je suis désolé je...

- Tais-toi !

Elle se leva brusquement. C'est alors qu'elle remarqua les fleurs qu'il tenait dans sa main. Est-ce qu'il pensait pouvoir se faire pardonner avec un bouquet ?

La voix grave et le visage fermé, elle s'efforça de ne pas montrer son trouble précédent et ses larmes ravalées. Le voir, habillé dans un smocking impeccable avec sa valisette, prouvait qu'il avait encore fait passer son travail avant le sien, avant ce qui comptait le plus pour elle.

Ma rivale s'appelle la finance, on dirait...

Elle garda pour elle son commentaire sarcastique et riva sur son compagnon des yeux plein de reproches.

- Je suis désolé, répéta-t-il comme si cela suffisait.

- Je ne t'excuse pas, lâcha-t-elle froidement en croisant les bras.

Sa silhouette, fine, dans sa robe moulante, lui donnait l'air d'une déesse en colère. Ses cheveux foncés, bouclés pour l'occasion, faisaient penser à des serpents prêts à s'animer au moindre faux pas.

Jérémy avala sa salive avec difficulté et lui tendit les fleurs, qu'elle ne prit pas.

- C'est quoi ton excuse ? Est-ce que tu réalises que je t'ai attendu tout le long du spectacle, pour rien ? Tu as raté toute ma première tournée et mes premières représentations !

Formuler sa déception à haute voix ne la rendait que plus douloureuse et les larmes remontèrent dans sa gorge. Alors elle se força à ne pas bouger d'un centimètre et les refoula. Néanmoins, sa voix commençait à trembler.

- C'est de ma faute, j'avais marqué dans mon agenda mais je croyais que j'aurais eu plus de temps pour...

- STOP !

Sabrina venait de lever la main devant elle pour l'obliger à se taire, ce qu'il fit aussitôt, frappé par cet ordre. Il n'avait pas l'habitude que sa petite-amie fasse preuve d'autant de colère, elle devait être vraiment très énervée.

- Je suis terriblement déçue, tu n'imagines même pas à quel point. En fait, ce que je crois, c'est que tu t'en fiches de moi et de mes passions. Tu ne fais plus attention à moi.

Jérémy essaya de protester mais elle lui coupa la parole lorsqu'il allait bredouiller une énième excuse :

- Je me suis énormément investie dans ce spectacle, tu le sais depuis que tu me connais. Tu m'as vu l'écrire, l'apprendre, et galérer pour trouver une salle, y répéter... tu savais que le seul spectateur que je voulais voir ici, c'était toi. Et tu n'es même pas venu. Tout ça pour quoi ? Parce que tu étais encore au boulot. Je croyais qu'en terminant un vendredi soir, ce serait bon, que tu pourrais te libérer plus tôt et assister à cette ultime séance. J'en avais envie et je l'espérais. Je ne te l'ai même pas demandé parce que ça me paraissait tellement évident... c'est ce que j'aurais fait pour toi. Je serais parti plus tôt que d'habitude pour aller voir mon copain jouer.

L'homme baissa la tête sous le coup de cette accusation dont il savait qu'elle était fondée. Il avait tout faux et rien de ce qu'il pourrait dire ne le défendrait. Il n'avait aucune excuse et il s'en voulait beaucoup.

C'est alors qu'elle lâcha sa bombe :

- J'en ai marre que tu fasses toujours passer ton travail avant moi. J'ai l'impression que la banque compte plus que moi. Alors on va faire quelque chose.

Énervée, elle fit enfin un pas vers lui. Leurs regards se croisèrent : le feu et la glace.

- Tu as une semaine pour me prouver que tu as encore des sentiments pour moi, sinon nous deux c'est terminé.

Jérémy écarquilla les yeux, soufflé par cet ultimatum auquel il ne s'attendait pas. Ils avaient une vie tous les deux, habitaient ensemble, connaissaient les amis et la familles des uns et des autres, elle ne pouvait pas claquer la porte du jour au lendemain, si ?

- Je... je...

Il y avait tant de choses qu'il aurait voulu dire et si peu de mots. Elle semblait si remontée qu'il n'y avait rien à ajouter pour le moment. Et surtout, il était coupable, coupable de n'être pas venu à temps. Il ne savait plus quoi faire.

- Tu te trompes, je ne veux pas te perdre, réussit-il à articuler mollement.

Mais c'était comme si Sabrina ne l'avait pas entendu. Elle fit encore un pas vers lui et il pouvait sentir la chaleur qui se dégageait de son corps.

De son côté, la voix de Jérémy, qu'elle avait jadis trouvé agréable et sexy, sonnait affreusement à ses oreilles. Elle ne voulait plus l'entendre pour l'instant. Son sang battait dans ses veines et son coeur menaçait de sortir de sa poitrine. Jamais elle ne s'était sentie aussi serrée dans sa robe. La violence de sa colère la déstabilisait un peu et elle n'en revenait pas de ce qu'elle avait réussi à dire à celui qui l'avait terriblement blessée.

Elle reprit son souffle, hoquetant, et pointa son index en signe d'avertissement :

- Tu as une semaine et ça commence à minuit. J'espère que tu ne me décevras pas, cette fois.

- Écoute, chérie, je vois que tu n'es pas en état et je te le redis mais je suis...

- Une semaine !

Elle recula, refusant cette proximité devenue gênante. Sa seule façon de se calmer serait de se retrouver seule.

Abattue par cette violence à laquelle elle n'avait pas l'habitude, elle se rassit sur sa chaise, appréciant le moelleux du coussin. Lui tourner le dos était sans doute le meilleur message.

- En attendant j'aimerais être un peu seule, annonça-t-elle d'une voix radoucie.

- D'accord, répondit Jérémy en levant le menton. J'accepte ton ultimatum. Et si je peux te promettre une chose, c'est que tu ne seras pas déçue.

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Voilà pour ce prologue. Le ton est donné ! Que va faire Jérémy pour se rattraper ? Avait-il une bonne excuse ?

Vous le saurez très bientôt dans les prochaines parties.

D'ici là n'hésitez pas à commenter/voter/partager.

Mille bisous ! <3

Une semaine pour me prouver que tu m'aimes [TERMINÉ] #WATTYS2020Où les histoires vivent. Découvrez maintenant