Chapitre 1 - L'île

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L'île surgissait soudain de la mer grise. Rien ne laissait présager l'apparition de ce morceau de terre, minuscule confetti au milieu des flots. Des nuées couleur d'acier s'amassaient en une couche épaisse qui masquait le soleil, annonciatrices de tempête. Le vent et les flots allaient se heurter avec fracas aux falaises se dressant face au grand large, couronnées d'herbe rase malmenée par les courants glaciaux de la saison.

Les arbres craquaient et se balançaient au gré des courants aériens furieux, leurs branches remuaient avec violence, leurs feuilles, arrachées, tourbillonnaient jusqu'à terre.

Les oiseaux de mer criaient, piquaient, se posaient pour redécoller aussitôt, volant en groupes serrés autour du morceau de terre.

De l'autre côté de l'île, vers l'ouest, vers le continent, les vagues allaient et venaient immuablement sur les plages de galets sombres. Juste après, de petits buissons malingres se pressaient entre les pierres et la forêt.

Au centre de l'île, le bois était entrecoupé de clairières, grandes, petites, pleines de ronces et d'orties. On aurait dit que personne, jamais, n'avait débarqué ici. Nulle empreinte de pas, nulle trace de vie humaine...

Vraiment ? Nulle trace ? Pourtant... Pourtant... Pourtant si un explorateur aventureux avait poussé l'audace à explorer la région, si il avait trouvé l'île et y avait débarqué, si enfin il avait marché dans la forêt en regardant bien autour de lui, il aurait découvert, dans une de ces clairières cerclées de ronces, un bâtiment de béton cubique, preuve qu'un homme était venu ici...

La construction faisait cinq mètres sur cinq et était petit-à-petit envahie par la mousse et le lierre. Quiconque l'aurait vue aurait juré qu'elle était abandonnée depuis longtemps. Cependant, s'il s'était donné la peine d'examiner la bâtisse de plus près, il aurait constaté que les portes métalliques dont étaient pourvues le bâtiment - deux de chaque côté - ne portaient pas la moindre trace de rouille. Et s'il avait tenté d'ouvrir ces portes, il n'y serait pas parvenu... Du moins, pas sans un matériel spécial et plusieurs jours de travail... Ce n'était pas des portes ordinaires : c'était des portes dotées d'un blindage spécial...

Si enfin, l'explorateur avait été piqué par la curiosité au point de fouiller minutieusement chaque recoin de l'île, il aurait découvert, après de nombreuses griffures, soigneusement dissimulés au sein d'épais fourrés de ronces entrelacées sur toute l'île, d'étrange objets, des tubes sortants du sol, s'inclinant à 90° à un mètre de terre, le sommet du tuyau se prolongeant tel une visière de casquette pour protéger l'ouverture, elle même bouchée par un solide grillage. Là encore, il aurait fallut du matériel spécial pour le découper.. .

Et si, l'explorateur avait eu quelques connaissances en architecture, et si il avait par hasard été assez malin pour qu'une telle pensée lui traversât l'esprit, il n'aurait pas manqué de s'exclamer : « Mais ce sont des bouches d'aération ! » Et devant l'absence de grande construction et au vu de la localisation des tuyaux, il aurait déduit que sous cette île se trouvait une installation souterraine, probablement très grande...

Bien entendu, les chances qu'une telle succession de « si » permette à qui que ce soit de parvenir à cette conclusion était si mince qu'elle pouvait être considérée comme nulle. C'était bien pour cela que l'île avait été choisie. Pour que nul, jamais, ne la trouve.

Sauf que... dans la lumière grise qui inondait l'endroit, de petits points noirs se rapprochaient lentement, avec un bourdonnement de plus en plus fort. Là encore, un explorateur intelligent l'aurait deviné : il s'agissait d'hélicoptères. Mais seuls des animaux peuplaient l'île.

Dans l'un d'eux, un soldat nommé James Ranson regardait le lieu de sa future mission avec curiosité. Éloigné de tout, sans la moindre construction visible, il ne semblait pas valoir les 75 hommes envoyés pour il ne savait pas encore quoi. Le jeune homme fronça les sourcils, puis effleura les racines de ses cheveux blonds rasés ras. Il sentait son insatiable curiosité se réveiller. Que faisaient-ils ici ? Et pourquoi n'avaient-ils encore reçu aucune donnée sur leur mission ?

L'îleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant