[11]

23 4 2
                                    

Journal d'Anna Harlington, 2075, date précise inconnue (extraits)

Je vais arrêter de tenter de mettre une date. Ce matin, je me suis réveillée avec mon horloge interne déréglée, comme à mon arrivée ici. Comme je ne sais pas combien de temps j'ai dormi, je ne suis sûre de rien. Donc je vais arrêter de me casser la tête.

Avant que je ne m'endorme, en tous cas, c'était la fin du neuvième jour.

Pendant la séance de gym de hier – peut-être –, Grégoire et moi avons parlé. C'est franchement génial ! Ces cours de gym sont incroyables. En plus, nous ne sommes pas les seuls à avoir découvert qu'on pouvait communiquer. On arrête pas de se parler, c'est cool ! En plus les adultes ne peuvent pas savoir ce qu'on se dit : un de nous a inventé un code pour protéger nos discussions. Enfin, plusieurs codes. Dont on change tout les jours. Bonne chance à ces pourris pour parvenir à les déchiffrer ! La gym, c'est l'un des seuls trucs cool ici, la seule chose qui me remonte le moral quand je pleure. Pour le reste...

La bouffe est toujours aussi dégueu. Et ma camarade de gauche, la blonde, est toujours aussi peste qu'à l'époque où on était voisines de chambres et non de cage. En revanche, j'aime bien Naoki. On parle souvent. Je crois qu'il déprime encore plus que moi...

Aujourd'hui, comme les jours précédents, c'est l'abominable crissement du chariot de nourriture qui nous a réveillés. Je suis sûre que c'est fais exprès : ils ont sûrement de quoi graisser les roues, non ?

Mais aujourd'hui n'était pas un jour comme les autres, je devais m'en rendre vite compte. Aujourd'hui, nous allions faire connaissance avec l'arène.

Une demi-heure après le passage du chariot, les cages s'ouvrent. Nous savons ce qu'il faut faire, mais cette fois, la grille ne s'abaisse pas.

Je reste dans ma cage. Je me lève, prête à obéir, le cœur battant la chamade. Ce n'est pas la gym. Est-ce un moyen de nous faire souffrir, ou quelque chose comme l'entrevue avec le scientifique ? Mon CC relâche des molécules calmantes dans mon organisme et des messages d'alerte s'affichent sur ma rétine devant l'afflux brusque d'adrénaline.

À ce moment-là, des soldats entrent dans la pièce. Ils ont tous la main sur une télécommande à leur ceinture – pour activer les colliers sans doute.

Mes muscles se tendent par réflexe, tandis que ma respiration et mon rythme cardiaque accélèrent, préparant mon corps à combattre. À nouveau, j'ai cette sensation étrange que chacun de mes sens sont décuplés.

De derrière les soldats surgit un homme. Les messages d'alerte redoublent au point de gêner ma vision quand je vois qui c'est. Cet homme... c'est l'homme de la vidéo, celui qui avait tant aimé nous voir souffrir.

Je rentre la tête dans les épaules, m'agrippant d'une main tremblante aux barreaux. La terreur altère mon esprit, m'empêchant de réfléchir... ou du moins, empêchant ma part organique de réfléchir. Mon CC fonctionnait parfaitement, lui. J'en éprouve une impression de dédoublement, comme si ma part artificielle flottait au-dessus de la salle, anesthésiée de tout sentiments. Mais ses conclusions ne font que renforcer ma peur.

Pour l'instant, nous n'avions été "que" électrocutés, dit-elle. Mais cet homme ne pouvait être qu'une seule chose : un bourreau. Et les bourreaux torturent leurs prisonniers...

Je me mets à trembler, terrifiée. Je me sus presque habituée à ce rythme étrange qu'on nous imposait. Mais là... Mais là...

Ma respiration accéléra encore, non pour me préparer au combat, mais sous l'effet de la peur qui se répandait en moi tel un poison noir et glacial. Mes tremblements redoublèrent. Cette fois, mon CC ne parvient pas à me calmer, le poison le submergea et le bloqua.

L'îleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant