Journal d'Anna Harlington, 21 juin 2075 (extraits)
Aujourd'hui, on a eu une réunion secrète grâce au passage des toilettes. Je ne sais pas si je t'en ai déjà parlé : dans nos toilettes, au fond, il y a une commode avec du papier toilette, pour pas qu'il y ait de pénurie. Et derrière, il y a une grille d'aération.
On peut l'utiliser pour se rendre dans d'autres pièces. On utilise un débarras pour les réunions, personne y va jamais ! C'est génial pour jouer aux agents secrets !
On a formé un petit groupe, environ vingt personnes, et on se réunit pour s'amuser. Et comme les adultes ne savent pas, ça fait encore plus vrai !
Olga et moi, nous sommes arrivées en avance, il n'y avait que cinq personnes dans la pièce, adossées aux étagères. Ils étaient tous du couloir E-5 et ils nous on regardés avec un air méprisant.
Ils pensent être meilleurs parce qu'ils ont des modifs différentes de nous ! Mais au couloir E-6, on est superforts aussi !
— Alors les larves, toujours en train de vous la péter ? a lâché Olga.
Elle ne rate jamais une occasion d'embêter les autres. Surtout quand on la prend de haut : elle déteste ça !
— Tu viens du couloir E-6, t'es naze, rétorqua un garçon brun très grand et très musclé.
— Tes modifs sont nulles, a ajouté le mec à côté.
Je me suis avancée et j'ai lancé, piquée au vif :
— On a les meilleurs scores en dissimulation !
— La matière des faibles... répondit le brun.
Une profonde envie de lui coller une gifle me saisit. Quelle arrogance !
— Au moins nous on est intelligents, m'exclamais-je. On est pas juste des brutes sans cervelle.
Le garçon s'est avancé vers moi, l'air menaçant. Il y a quelques mois, j'aurai été impressionnée, mais j'ai appris à me battre aussi et je ne compte pas me laisser marcher sur les pieds. Je lui lance un sourire moqueur, ravie de l'avoir poussé à réagir.
J'analyse sa démarche, sa posture, son apparence. Ce débile est certain de gagner, à voir ses micro-expressions* (*micro-mouvements du visage impossibles à contrôler qui révèlent les vraies émotions ressenties). Je me ramasse un peu sur moi-même, prête à bondir au moindre geste suspect.
À ce moment, un autre garçon se laisse tomber de la gaine d'aération. Son regard tombe sur nous et il s'écrie :
— Assez ! On est pas ici pour se battre !
C'est un gars du couloir E-4, un métis qui joue le médiateur entre tout le monde ici depuis quelques jours. C'est vrai qu'on se disputait un peu beaucoup... Surtout beaucoup... je me sens honteuse des mes provocations tout d'un coup.
— Installez-vous le temps que les autres arrivent, ordonne-t-il.
Je me tourne vers le garçon du E-5 et je lui dit, bien déterminée à avoir la paix après la réunion (et gênée aussi, mais je lui avouerait jamais !) :
— Sans rancune ?
— Sans rancune, brunette !
— Je suis pas brune ! J'ai les cheveux noirs ! protesté-je pour la forme.
Et des cheveux longs et épais, un peu ébouriffés, comme une vraie guerrière ! Le garçon sourit et ajoute :
— C'est vrai. Avec ta copine, ça fait le feu et la cendre !
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L'île
Science FictionUne île, loin de tout. C'est là que James débarque avec d'autres soldats, pour la sécuriser. Mais lui et les autres ne sont que les pantins d'enjeux qui les dépassent, manipulés par leurs supérieurs comme par leurs ennemis. De la vulgaire chair...