Chapitre 19 - La vraie nature

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Des clones.

Oh bon sang. Oh bordel.

C'était tellement... tellement... surprenant ? Mot trop faible. Inattendu ? Pareil. Extraordinaire ? Oui, mais pas dans un sens positif, comme on utilisait souvent ce mot. En fait, dans l'esprit de James, il n'aurait pas été plus surpris si on lui avait dit que la magie existait. Il était tellement convaincu que c'était ces enfants... Il n'avait même pas envisagé l'éventualité qu'il puisse exister d'autres créatures.

Des clones.

Comment... Pourquoi... que... il...

Le cerveau du jeune homme était incapable de fournir une pensée cohérente. Ses yeux fixaient les doubles d'Anna sans les voir. Il ne comprenait plus rien. Il avait cru savoir, mais non : il s'était lui-même induit en erreur, il s'était persuadé d'une chose alors qu'elle était fausse. Il avait fait fausse route, mais comment aurait-il pu imaginer... envisager... une chose pareille ? Personne n'aurait pu deviner. Personne n'aurait pu comprendre.

Devant son regard trouble, les clones paraissaient flotter dans une mer de ténèbres. Tout les traits de leurs visages, qui faisaient d'eux les copies conformes d'Anna Harlington, l'enfant kidnappée pour être transformée en monstre, semblaient se mélanger, se dissoudre dans les ombres. Une bouillie de couleurs dépourvue de logique, impossible à interpréter. Un non-sens. Quelque chose qui n'aurait pas dû être... mais qui était.

Ce sont des clones... Nous nous sommes trompés.

À l'instant où cette pensée se matérialisa dans le cerveau de James, claire, nette, le brouillard dans lequel il nageait commença à se dissiper. Avec une lenteur insoutenable, il assimila l'information, la comprit, l'accepta, et se mit à en déduire certaines choses.

Par exemple : les enfants dans les cuves étaient sûrement des clones. Choqué par ce spectacle hors normes, il ne s'était pas rendu compte qu'ils avaient tous le même visage. Le respirateur qui leur masquait la mâchoire et la bouche, les tubes, le crâne rasé... Il avait cru que la ressemblance venait de tout cet appareillage.

Ensuite : il ne pouvait pas jouer sur la corde sensible de ces... êtres, en leur rappelant leur humanité, puisqu'ils avaient sans aucun doute été élevés pour être des machines à tuer. Ce qui expliquait également la manière dont ils avaient joué avec les membres du petit groupe : l'éducation des clones ne valorisait à coup sûr pas la compassion ou les valeurs approchant. Ils ne pouvaient même pas se rendre compte qu'ils étaient cruels.

Et, bien sûr, tout cela empirait encore la situation pour James et ses amis. Une vague de peur submergea la logique d'où venait toutes ces déductions. Ils ne pouvaient pas essayer de raisonner les créatures ; ils ne pouvaient pas s'enfuir : dans leur situation, ils ne pouvaient même pas envisager le suicide pour échapper à une mort que le jeune homme prévoyait aussi longue que douloureuse !

Son rythme cardiaque accéléra. Il voulait un miracle – des soldats viendraient les sauver – les GM se montreraient gentils sans raison – il le voulait, de tout son cœur, de toute son âme – oh, s'il-vous plaît, s'il-vous-plaît...

Mais les miracles n'existaient pas : il n'y avait aucune échappatoire.

— Vous êtes les seuls survivants, lâcha soudain la clone qu'ils avaient prise pour Anna Harlington.

Elle parlait d'un ton si calme, si posé, qu'il fallut plusieurs secondes aux prisonniers pour saisir l'horreur de la nouvelle.

— Tout les autres sont... morts ? souffla Deschamps.

Oh, non, non... pas encore... gémit James en lui-même.

— Oui, acquiesça un autre clone en souriant.

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