Journal d'Anna Harlington, date précise inconnue, 2077 (extraits)
Vingt-huit secondes... vingt-neuf secondes... trente secondes... Top !
J'ouvre les yeux et je cours vers mes camarades. Le premier, un Noir – numéro E-5/213-7 – combat un lion et évite ses coups sans le moindre problème. La deuxième, une fille – E-8/101-6 – est agenouillée devant une boîte et son visage se plisse sous l'effet de la concentration. Je me précipite vers elle.
Sur le côté de la boîte est fixé un écran, sur lequel s'affiche un calcul que je devine épouvantablement difficile.
— Ça va ? demandé-je.
— Le calcul me donne deux réponses, et je ne doit en entrer qu'une. Il y a une devinette, mais mon CC ne trouve pas la réponse !
Nos CC nous permettent de venir à bout de n'importe quelle énigme, à condition qu'elle soit entièrement logique. Si une part repose sur l'instinct, c'est fichu. Et merde !
Je regarde la devinette. Elle semble porter sur une référence culturelle – le genre d'infos qui n'est pas dans nos CC et que nous ne pouvons connaître.
— Je pense que c'est la réponse B, mais... commence E-8/101-6.
Un hurlement de douleur nous interrompt. Je me retourne : le lion a réussi à mettre à terre E-5/213-7. Je me m'élance pour l'aider et transmets à ma coéquipière :
_Entre la B !
Car nous ne pourrons sortir qu'une fois l'énigme résolue. Et quand nous éliminons une menace, une autre plus dangereuse apparaît... Je dois donc combattre ce lion tout en le gardant en vie sous peine d'affronter quelque chose de pire !
Je saute juste sous le museau de l'animal pour attirer son attention. Il s'élance à ma poursuite et je vois avec soulagement le garçon se relever d'un bond. Il n'est pas blessé. Ouf !
— Bonne réponse ! hurle alors E-8/101-6.
Aussitôt E-5/213-7 court vers le lion. Je continue de courir à travers l'arène pour distraire l'animal, le garçon lui saute dessus et lui brise la nuque.
Le cadavre retombe lourdement à terre. La fille s'approche de nous, et, sans un mot, nous nous mettons à arracher de grosses poignées de chair crue, que nous dévorons avec voracité.
Les rations me paraissent de plus en plus petites, au fur-et-à-mesure que la difficulté des épreuves s'intensifie. Mon estomac crie sans cesse famine. Si ça se trouve, c'est également une épreuve... comme les décharges électriques qu'ils nous envoient avant qu'on aille dans l'arène, afin que nos muscles tremblent et nous fassent souffrir...
Ils inventent mille et une contrainte stupides pour nous compliquer la vie : aujourd'hui, l'un de nous devait attendre trente secondes avant de pouvoir combattre. À croire qu'il ne savent plus quoi inventer. Hier, on a combattu par paire mais l'un avait des menottes... Avant-hier, il y avait des braseros crachant de hautes flammes dans toute l'arène et deux énigmes différentes à résoudre... Aujourd'hui ça... Que se passera-t-il demain ?
La porte s'ouvre d'un coup. Je la hais. Quand elle s'ouvre, ça veut dire que nous devons abandonner tout cette viande... pour que les adultes aillent la jeter, sûrement ! À cette pensée, un violent ressentiment m'envahit. Quel gaspillage !
Dire qu'il y a un an, lors de mon premier combat, j'avais refusé de manger cette nourriture pour ne pas être « animale »... Mais rien à foutre ! Les adultes peuvent nous voir comme ils veulent, j'en ai rien à faire ! Parce que ce n'est pas comme l'année dernière, où j'étais seule...
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L'île
Science FictionUne île, loin de tout. C'est là que James débarque avec d'autres soldats, pour la sécuriser. Mais lui et les autres ne sont que les pantins d'enjeux qui les dépassent, manipulés par leurs supérieurs comme par leurs ennemis. De la vulgaire chair...