Chapitre 22 - Le secret

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Une balafre sanglante barrait la joue de James. Ses jambes avaient refusé de le porter plus longtemps après la chute de l'arbre, et il gisait à terre, allongé sur le dos, sans bouger. Son cerveau, pas en meilleur état, lui paraissait composé de guimauve. Pourtant, jamais le jeune homme n'avait été aussi heureux.

Dehors. Il était dehors.

Il s'était échappé.

Son cerveau tournait à vide. Il ne parvenait pas à accepter cette réalité – il lui semblait qu'il avait été enterré dans cette base depuis une éternité. Pourtant, il ne s'était écoulé que... Combien de temps, au juste ? La mission avait débuté à 9h30. Au vu de la luminosité, l'après-midi était déjà bien avancé. Donc environ... sept heures ? Si peu de temps, comparé à ce que le petit groupe avait vécu.

Un bruit retentit soudain dans la clairière. Tellement incongru, inimaginable sur cette île de malheur, qu'il fallut une bonne seconde à James pour l'identifier.

Quelqu'un riait. Une femme... Le jeune homme tourna la tête. À ses côtés, elle aussi étendue sur le sol, Deschamps riait. Les coins de ses yeux se plissaient et son regard pétillait de bonheur.

Les autres soldats étaient allongés par terre aussi, James voyait Jacobson à sa gauche. Il entendit un froissement de tissu – quelqu'un se levait.

— Debout, tout le monde, ordonna Blue d'une voix détendue, telle que le jeune homme n'en avait jamais entendu sortir de sa bouche.

Comme d'habitude, elle ne perdait pas le nord. Et, constata James lorsqu'il se redressa, Sanchez se relevait pour se poster à ses côtés – comme d'habitude. En revanche, le large sourire qui barrait la figure des deux soldats n'était pas du tout habituel.

Iris et Jacobson aussi souriaient, et le jeune homme aussi. Pour la première fois, il pouvait voir le visage de ses amis à la lumière naturelle. Il remarqua tout de suite que leurs peaux paraissaient moins blafardes, leurs yeux moins fatigués. Ou peut-être était-ce dû à la joie née de leur évasion ? Quoi qu'il en soit, Deschamps semblait plus jeune, Jacobson moins épuisé, Blue plus détendue et même les traits de Sanchez moins marqués.

D'ailleurs, ce dernier ressemblait un peu à Müller – pas très grand, peau mate, regard froid. Les cheveux de Blue resplendissaient d'un magnifique bleu électrique ; bref, chaque soldat semblait embelli.

James se leva avec lenteur. L'adrénaline avait déserté ses membres et il ressentait plus fort que jamais le poids des événements de la journée. Son corps réclamait à grands cris du repos. Mais il se força à se redresser – ils devaient aller au lieu d'évacuation. Ses camarades l'imitèrent.

Soudain, Deschamps cessa de sourire.

— Et si, haleta Iris, si nos supérieurs n'envoient pas d'hélicos ? Ils savaient ce qu'il y a sur cette île. Ils ne devaient pas penser que qui que ce soit s'en sortirai vivant.

L'atmosphère de bonne humeur disparut aussi vite qu'un mouchoir en papier dans un incinérateur. Aucun des membres du petit groupe n'y avait pensé... sauf peut-être Blue, qui donna presque sans attendre une réponse censée :

— On verra quand on appellera. Si jamais on nous laisse pourrir ici, on avisera. OK ?

Les soldats hochèrent la tête. Un nouveau poids pesait sur leurs épaules, plus lourd encore que les précédents puisqu'ils avaient expérimenté, pendant un cours instant, la joie et la liberté. James se tritura les cheveux. Il avait été désespéré, furieux, déterminé face à tous les problèmes sur leur chemin ; mais là, il n'avait plus la force. Il ne ressentait qu'une immense fatigue. Il voulait juste... juste se reposer. Se détendre pour de bon.

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