Journal d'Anna Harlington, 2075, date précise inconnue (extraits)
Je me réveille. Si j'étais humaine, j'aurai froid, mais je ne le suis pas. Cela fait plusieurs semaines qu'Olga est morte. Nous avons subit trois fois le brouilleur de CC. Je me relève. Par réflexe, je jette un regard noir à Naoki. Je sais désormais que les liens avec d'autres personnes sont dangereux. Qu'ils ne faut pas en avoir. Il faut se blinder contre, contre toute émotion ; c'est le seul moyen de survivre.
Par chance, il semblerait que tout le monde ici soit arrivé à la même conclusion que moi. Probablement parce qu'ils ont vécu la même expérience. Les adultes nous on bien fait entrer dans le crâne la douleur que peuvent engendrer ces liens. Naoki et moi ne nous sommes plus reparlés ; quand à Grégoire, nous ne nous voyons même plus. Et c'est tant mieux. Je n'ai pas eu besoin de les repousser : pas de dépense d'énergie inutile.
Le chariot arrive. Maintenant, je peux entendre la respiration du soldat qui nous distribue la nourriture malgré le crissement des roues, ainsi que le froissement de ses vêtements. Avant, je suppose que je le pouvais aussi, mais je n'y prêtai pas attention, persuadée que je l'étais d'être normale. Obsédée par l'idée d'être normale.
Mais je ne le suis pas. Et maintenant que je le sais, maintenant que j'ai pris conscience de la dangerosité de l'affection, je sais que je me vengerai un jour des adultes, qui nous ont menti, emprisonnés, électrocutés, obligés à combattre...
Après le « repas », on nous amène les uns après les autres dans l'arène. C'est une nouveauté ; normalement, nous y allons par deux, pour des duels. Lorsque le premier d'entre nous revient, je l'examine attentivement pour tenter de deviner ce qui va se passer là-bas, mais je ne vois aucun indice sur son corps. Il ne nous dit rien. Car nous ne sommes pas ses alliés. Nous sommes ses adversaires.
Quand vient enfin mon tour, je tremble d'excitation. L'arène est la seule chose qui rompt la monotonie de notre quotidien. La seule chose qui nous permet d'utiliser à fond nos capacités. Déjà, je sens l'adrénaline produite par mon esprit excité se répandre dans mes veines. Je suis le soldat sans protester, ne pensant qu'au moment où je vais enfin être là-bas.
Lorsque je me retrouve seule dans l'antichambre, je laisse mon système passer lentement en mode combat. J'ai un peu d'appréhension, puisque je ne sais pas ce qu'il va se passer. Mais je suis de taille. Je le serai toujours. Après tout, comme l'a dit le scientifique, « Les modifications ont fait de toi quelqu'un de plus fort qu'un être humain ».
La porte coulisse dans le mur. J'entre dans l'arène. L'odeur d'ozone familière me frappe les narines. Cependant la zone est vide et la porte se referme derrière moi. Mon appréhension se renforce, mais je n'en montre rien. Pas d'émotion, pas de prise pour l'autre. Mon CC contrôle même les muscles de mon visage pour qu'il n'affiche pas de microexpressions.
Un autre pan de mur glisse sur le côté, dévoilant mon adversaire. Je ne peux empêcher la surprise d'apparaître sur mon visage, mais je n'ai pas le temps de me maudire de ma faiblesse que déjà l'homme, habillé d'une bizarre combinaison orange fluo, pénètre dans l'arène.
Je vais devoir affronter un humain. Un vrai. On m'a pourtant dit et répété que c'était mal !
— Les consignes sont simples, expliquent les hauts-parleurs. Vous devez vous entre-tuer. Celui qui réussira sera récompensé.
Je souris. Grâce aux récompenses, on peut avoir du rab de nourriture, de l'eau et du savon, voir même une absence de punition. J'en salive d'avance. Mais tout de même, tuer quelqu'un... J'ai tapé sur mes camarades, mais le meurtre, assassiner une vraie personne...
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L'île
Science FictionUne île, loin de tout. C'est là que James débarque avec d'autres soldats, pour la sécuriser. Mais lui et les autres ne sont que les pantins d'enjeux qui les dépassent, manipulés par leurs supérieurs comme par leurs ennemis. De la vulgaire chair...