L'île

Chapitre 11 - Hors-la-loi

James respirait par à-coups. Les mots qu'il venait de prononcer lui brûlaient la bouche, la poitrine, le cerveau. Le gouvernement pour lequel lui et les autres soldats travaillaient, qui était censé les protéger... Oh, le jeune homme n'était pas stupide au point de le croire tout blanc ! Mais de là à apprendre qu'il avait créé des créatures contre-nature et avait ensuite envoyer des soldats se faire massacrer alors qu'il connaissait l'ampleur de la menace... !

— Enfreint la loi... murmura Deschamps, répétant ce qu'il venait de dire.

Son air à la fois ébahi et effrayé résumait parfaitement la situation. Les deux jeunes gens se dévisagèrent, sous le choc, tout deux blancs comme un linge. Ils balayèrent par réflexe l'allée du regard, pour vérifier que Blue n'avait rien entendu. Mais non, elle montait la garde à plusieurs mètres d'eux et ne bougeait pas. Puis la brune se pencha et souffla :

— Maintenant on fait quoi ? (Devant le silence de James, elle poursuivit :) On ne peut rien dire à Blue. On ne sait pas comment elle réagirait.

Le jeune homme hocha la tête. C'était vrai : comment allait-elle réagir ? Et aussi... comment allaient réagir les autres ? Ils pouvaient très bien décréter... décréter quoi ? Les documents prouvaient tout. Mais à ce moment-là, le jeune homme se souvint des paroles de Wade juste après qu'ils aient échappé à cette fille : « La plupart de ces documents doivent être classés secrets-défense ! Si nous les consultons, nous pourrons être accusés de trahison ! »

— Et les autres aussi, murmura James. Ils ne doivent jamais savoir...

Sa camarade avait raison. Ils détenaient la preuve que son gouvernement avait enfreint la loi. Si on l'apprenait, il ne donnait pas cher de leur peaux... Quand aux autres, ils pouvaient être trop ébranlés par la nouvelle pour parvenir à s'en sortir. Ils devaient absolument cacher le contenu du dossier !

— Bon, vous avez trouvé quoi ? demanda Blue, qu'ils n'avaient pas entendu approcher.

James sursauta violemment. Il se leva d'un bon, manquant de percuter Deschamps au passage.

— Holà ! Fait gaffe ! glapit cette dernière, aussi surprise que lui.

Le jeune homme plaqua le dossier contre sa poitrine en espérant qu'elle n'avait rien vu. Ses muscles lui semblaient faits de pâte molle et fragile. Peut-être parviendraient-ils à lui cacher son contenu... ? En mentant assez bien...

— Eh bien... Nous avons trouvé...

Sa bouche était engourdie, il n'arrivait plus à articuler. Son cerveau moulinait pour trouver une solution, une explication plausible. Il savait que Deschamps à côté faisait de même. A eux deux, peut-être... Mais avant qu'ils n'ouvrent la bouche, Blue prononça les paroles fatales :

— Donnez-moi ce dossier, pour que je puisse voir !

L'estomac de James se transforma en bloc de glace en moins d'une seconde. Oh non ! Il échangea un regard horrifié avec Deschamps. Il ne pouvait pas refuser de donner le dossier sans être suspect, mais qu'allait faire la militaire quand elle saurait ?

Il tendit la fourre cartonnée d'une main tremblante. Blue la saisit et l'ouvrit d'un geste brusque. Elle lut la première ligne, et, comme ses deux camarades avant elle, se figea sur place. Le soldat blond vit ses yeux aller et venir sur la feuille, tandis qu'elle rapprochait le dossier de son visage. Elle contemplai la feuille comme si elle était recouverte d'inscriptions incompréhensibles.

Merde, merde, merde !

Lorsque finalement elle leva les yeux sur eux, la brunette et le blondinet se resserrèrent instinctivement, la dévisageant avec effroi. James sentait son cœur battre à coups redoublés dans sa poitrine, comme une série infinie de minuscules explosions faisant trembler tout son corps.