Journal d'Anna Deverre, 24 juillet 2082 (extraits)
Jour 14
Les rues grouillent de monde. Comme d'habitude en fait. Assise sur un banc, au milieu d'un parc verdoyant, je me laisse bercer par le glouglou d'une fontaine tout proche. Autour de moi, des enfants jouent ou mangent des glaces, des sportifs courent, des promeneurs baladent leurs chiens. Un ballet codifié auquel je ne comprends pas grand-chose. Mais je l'adore ; si je peux le voir, les adultes ne m'ont pas encore attrapée. Et plus encore : je passe inaperçue ici. Je pourrai donc vivre une vraie vie d'humain, calme et heureuse, sans que personne ne me remarque.
Malgré tout, reste un obstacle, et de taille : je suis seule. Je viens chaque jour ici, avant de me payer à manger grâce aux faux comptes bancaires que j'ai créés, et je passe la journée assise sur ce banc à ne rien faire. Juste observer. Parfois, je lis un livre ou regarde un film en ligne, les yeux fermées, les bandes-sons se déversant dans mes implants auditifs et les images sur mon affichage rétinien. Je découvre ce monde si différent du mien avec une surprise de plus en plus grande.
— Bonjour, m'interpelle quelqu'un.
Je sursaute, tout de suite sur le qui-vive. Avant même de me retourner, je devine à l'odeur qu'il s'agit d'une femme. Quand je pivote, mes yeux m'apprennent qu'elle est jeune, brune, métisse avec un surprenant regard vert. Un grand sourire barre sa figure. Je la reconnais : elle est déjà passée par ce parc. Elle aussi y vient presque tous les jours.
— Bonjour, réponds-je avec prudence.
Cette femme – cette fille – pourrait être une espionne des adultes. Je suis très loin de la première ville où j'ai débarqué, mais sait-on jamais...
La fille s'assied à côté de moi sur le banc. Elle porte un pull bleu et un pantalon blanc et paraît assez inoffensive... comme moi en fait. Rah, mais arrête avec ta paranoïa Anna ! Du calme ! Tu peux venir à bout de n'importe quel humain !
Sauf si il y le gaz... me souffle pernicieusement mon esprit.
Je me reconcentre sur l'inconnue.
— J'aimerai te parler. Je sais que ça va paraître bizarre, mais je me sens tellement seule ici ! Toi aussi, non ?
J'écarquille les yeux, prise par surprise. Pile-poile mon impression dans cette ville pleine de monde. Éprouverai-t-elle la même chose que moi ?
— Oui...
Mon ton circonspect ne l'arrête pas. Elle se met à babiller, l'air joyeux.
— Tu viens ici presque chaque jour depuis une semaine, mais tu es toujours assise sur ce banc sans personne à qui parler. Je ne t'espionne pas, s'empresse-t-elle de dire, mais je passe ici tout les jours... Je viens d'arriver, tu vois, et je ne connais personne. Alors comme ça a l'air d'être ton cas, on pourrait apprendre à connaître cette ville ensemble, non ?
J'en reste bouche bée. Aussi simplement que ça, cette fille viens de me proposer d'être son amie. Sans même savoir la moindre chose sur moi. Juste... Wouah !
— Tu ne me connais pas. Je pourrai être une dangereuse criminelle...
— Tu n'en a pas l'air ! rétorque l'inconsciente avec le sourire.
Mais je ne plaisantais pas ! réponds-je en moi-même. Cependant, je me suis déjà un peu détendue. Je ne crois pas qu'elle soit dangereuse...
— Moi, c'est Mary. Mary Hapka.
Elle me tend la main. J'hésite. Dois-je vraiment accorder ma confiance à une inconnue ?
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L'île
Science FictionUne île, loin de tout. C'est là que James débarque avec d'autres soldats, pour la sécuriser. Mais lui et les autres ne sont que les pantins d'enjeux qui les dépassent, manipulés par leurs supérieurs comme par leurs ennemis. De la vulgaire chair...