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Journal d'Anna Harlington, date précise inconnue, 2078 (extraits)

Tout a été orchestré avec minutie. Chaque détail a été vu et revu, malgré toutes les entraves. Et tout les membres de l'équipe connaissaient le plan par cœur. Malgré tout, je stresse un peu. Cela ne sera pas simple. Mais qu'importe ! On est des GM ou pas ?

Lorsque la porte de l'arène s'ouvre, j'entre d'une démarche mesurée, Grégoire à ma gauche et la blonde – E-6/254-9, il faut vraiment que je l'appelle autrement que « la blonde » – à ma droite.

Comme à chaque fois, je suis prise au dépourvu. Plusieurs mois se sont écoulés depuis le « remodelage » de l'arène, et pourtant... Avant, l'arène faisait 45 mètres de long et 25 mètres de large. Maintenant, elle fait 120 mètres de large ! C'est immense ! Ça me rappelle le réfectoire, à « l'orphelinat ». Ou la salle de jeu. Bref.

Mais le plus cool (Ironie, où es-tu ? Ici !), c'est que grâce à ça les adultes peuvent nous concocter plein de nouvelles épreuves ! Génial !

Je hais cet endroit... et d'un autre côté, il n'y qu'ici que je peux bouger sans être stoppée par des barreaux, qu'ici que je peux me défouler.

Aujourd'hui, c'est parcours d'obstacles. Il faut être le plus rapide possible. On a un parcours chacun. Celui qui perd est puni. Les adultes nous mettent de nouveau en concurrence – de toute évidence, ils n'ont pas aimé notre mouvement groupé d'il y a deux semaines ! Depuis, plus aucune épreuve en groupe.

_Anna, c'est à toi. C'est dommage, me communique Grégoire.

Grégoire et E-6/254-9 ont déjà été punis, alors que moi, jamais. On a instauré une règle : c'est celui qui est le moins puni qui doit arriver dernier. De cette manière, on ne souffre pas trop, et en plus, on prend les adultes à leur propre jeu. Ils pensent nous contrôler, mais en fait, c'est nous qui contrôlons qui va être puni.

_Merci. On se revoit de l'autre côté, acquiescé-je.

Je ne ressens aucune injustice là-dedans. À vrai dire, j'ai approuvé cette règle quand on en a « discuté » grâce à notre code secret – pas les CC, autre chose que les adultes, ces humains sans greffes cybernétiques, ne peuvent capter : on discute en morse grâce aux... clignements de nos paupières. Je suis toute fière de ce moyen de communiquer : nous sommes peut-être emprisonnés, mais nous sommes quand même les plus forts !

Nous nous plaçons chacun devant une des marques rouges qui indiquent le début d'un parcours. J'analyse ce que je peux voir : cordes, tunnel, filet, mur, avec sans aucun doute des mauvaises surprises – le filet sera électrifié, par exemple. Ou il y aura une trappe, des choses dans ce genre. Pour moi, ce sera encore plus difficile. Je dois perdre en donnant l'impression que je fais de mon mieux, pour ne pas que les adultes repèrent notre manège.

Le bip de départ retentit et nous nous élançons. Je dois d'abord franchir un grand fossé – je me demande encore comment ils font pour les « creuser » – puis je me retrouve face à un mur. Je remarque qu'il est prêt à s'effondrer. Si je grimpe dessus, c'est la chute assurée. Alors je recule jusqu'au bord du trou, prend mon élan et assène un grand coup de pied dedans. Des fissures apparaissent. Je recommence deux fois, et l'obstacle s'écroule.

Je me mets à courir. Devant moi, une portion de sol différent – si je marche dessus, je suis électrocutée. Sans ralentir, je saute et attrape la corde suspendue au centre de l'obstacle. je grimpe jusqu'au plafond et progresse vers le filet en m'aidant de prises de bois ordinaires. En apparence. Je remarque les petits trous et les picotements sur mes doigts : des piques acérées, enduites de produit, sortent lentement et vont les transformer en hérissons. Je dois me dépêcher.

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