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Ma bouche... est tellement sèche. Mes jambes sont tellement épuisées que je ne sens plus la douleur. Je n'ai rien plus de salive. Mon front sue et brille exagérément, et le soleil tape sur mon crâne brûlant, j'le sais puisque mes cheveux sont en train de cramer comme des œufs. J'ai plus de force, plus d'énergie. Aucun retour en arrière n'est possible et j'ai pensé, à un moment, qu'il fallait tout arrêté... Putain, j'y ai pensé plus d'une fois ouais. Brûler au soleil dans ce désert chaud et sans eau, c'était de la torture pour moi ! Une lente et profonde agonie qui me mènerait à rien, et j'ai réalisé à quel point mon geste désespéré était stupide. Mon pied gauche m'hurle d'arrêter de marcher, mais je n'peux pas le faire. Les hommes du camp me retrouveront et je me ferai décapiter si je m'arrête... au fond, est-ce que c'est  réellement pire que de crever seule de soif dans un désert ?

La nuit précédente fût très longue et dure. Pour faire passer le temps j'me suis insultée de tous les mots possibles. Putain. COMMENT J'AI FAIT POUR ÊTRE AUSSI CONNE ET OUBLIER D'APPORTER DE L'EAU DANS UN DÉSERT ?! MON DIEU, COMMENT HEIN, DIS-MOI !
Calme toi Anissa, calme toi. Y'a pas mort d'hommes, hein.
Il n'y a aucun arbre à l'horizon pour m'abriter et faire de l'ombre. Pourquoi ça m'étonne, j'suis dans un désert aussi.

- Mon Dieu, ya Rabi, envoie moi mon sauveur ! Fais moi sortir de cette situation périlleuse, fais que je trouve de l'eau par ta grâce et ramène moi à ma famille ! Donne à Sabry ou Hayette un moyen de me retrouver... ils sont mes derniers espoirs.

Je pose un genoux à terre. Je n'en peux plus. La chaleur est étouffante, et malgré le temps que j'ai passé en Syrie depuis, j'y suis toujours pas habituée et je le serai jamais. Les larmes coulent sur mes joues. J'essaye d'être forte mais c'en est trop pour moi, ma tête veut mais mon corps ne veut plus. J'explose en pleure, j'hurle au ciel toutes mes plaintes. Pourquoi est-ce que la vie est si injuste avec moi ? Pourquoi quand je croyais voir la sortie au bout du tunnel, j'me rends compte que c'était juste un mirage ?

Je suis seule face à mes démons, et jamais je ne me suis sentie aussi mal de ma vie. Aussi seule. Même Dieu pour vous dire, je pensais qu'il m'avait abandonné.

Ma tête vient s'écraser contre le dur sable et je ferme les yeux pour savourer cette instant de liberté, ce répit éternelle, loin de tout. Au fond, quand je repense à tout ça, je me dis que je suis conne. La vie ne vaut pas le coup d'être vécue, et qu'elle n'est constituée que de crasses. Dans un élan de courage, j'ai réuni toute ma détermination pour vaincre mes peurs et m'enfuir.J'ai réussit aussi « facilement » à quitter le camp sans problèmes majeurs, et me voilà maintenant en train d'agoniser pour la plus stupide des raisons. L'être humain est imparfait et Allah lui a donné un cerveau pour réfléchir. Il a dit dans le Coran qu'Il ne soumettrait aucune épreuve que l'âme ne puisse supporter à l'Homme. On est tous différent, et je me demande encore comment j'ai fait pour ne pas me déshydrater aussi vite, comment j'ai pu tenir le coup jusque là. Mon âme est-elle forte ? Je me demande encore comment j'ai fait pour rester en vie.

Dieu a exaucé mon du'aa (=invocation), et mon sauveur est venu me sauver. Et dire qu'il y a quelque mois de ça je l'aurai qualifié de tout hormis d'être « mon sauveur ».

J'entends des bruits derrière moi. Au début j'pense direct que c'est dans ma tête et je préfère ne pas relever ma tête et payer un effort inutile. C'est c'que j'me disais au début, mais à force j'entends que les bruits se font de plus en plus fort. Des cris résonnent dans ma tête. Putain, c'est vraiment mon imagination, je me fais encore un de ses putains de films ou c'est bien réel ?! Anissa, ouvre les yeux. Anissa, debout, c'est plus l'heure de rêver. Anissa,

réveille toi.

- Anissa, réveille toi !

Et là c'est électrochoc. C'est comme si je me réveillais d'un terrible cauchemar. J'ouvre les yeux d'un coup et je pousse le même bruit qu'on fait lorsqu'on est en train de se noyer et qu'on sort la tête de l'eau pour reprendre sa respiration. C'est exactement c'qui s'est passé pour moi : j'étais dans un gouffre, je me noyais dans le sable. Et on est venu m'aider, on m'a fait sortir la tête de l'eau. Je suis sauvée. Je n'y crois presque pas.

Je lutte pour que mes paupières ne se referment pas sur elles-mêmes et relève un peu le menton, tout juste pour le trouver là, devant moi, qui me regarde avec inquiétude. Qu'est-ce que je l'aime à ce moment là, je l'ai trouvé plus beau que jamais avec cette pointe de détresse dans son regard. Merci mon Dieu de m'avoir envoyé mon ange gardien. Je repense même pas à c'qui va m'arriver maintenant que Sabry m'a retrouvé, j'suis juste contente de l'avoir revu une dernière fois. Je ferme les yeux, mon corps a puisé dans toutes ses ressources.

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