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Je chassai, avec une certaine difficulté, la peine qui me comprimait l'estomac, pour me concentrer entièrement sur l'imbécile blond qui me faisait face. Son actuel air ravi me donnait la nausée. Il avait réussi à réveiller la part humaine et réellement sentimentale qu'il me faudrait, ici, enterrer le plus profondément possible pour ne pas me fragiliser dans ma lutte quotidienne.

— Je sais que tu vas te prendre la tête avec nos deux dernières phrases, ricanai-je, trop narquoise pour être naturelle, mais franchement, ce n'est pas la peine. Je ne vais pas balancer d'infos à une gamine qui bosse pour vous.

— Je sais, lâcha-t-il d'une voix tranquille. Mais je serais intéressé de savoir ce que tu lui as dit.

— Que tu es un crétin.

Je lui adressai un clin d'œil, même si le mensonge fit bouillir mon sang contaminé au thiopental modifié, et il éclata de rire. Je haussai un sourcil, sceptique, mais laissai couler, attendis que son hilarité se calme et qu'il reprenne un air un peu plus sérieux.

— Lilith, donc... et Élite, en plus... Ça explique ton silence...

— Merci pour le compliment.

— Est-ce que des compliments te convaincraient de me décliner ton identité complète ?

Je lui flashai un sourire étincelant.

— Lilith Síverdín, née le dix-neuf janvier quatre-vingt-dix-neuf, Maison de Loki.

Il fronça les sourcils, ses yeux bleus ciel se couvrant d'orage. Dans mes veines, aucune réaction. La vérité était la vérité, même si je ne savais absolument pas comment cela pouvait ou non provoquer la réaction du composé alchimique.

— Dix neuf ans et deuxième Élite de la Confrérie jusqu'il y a quelques jours ? Tu ne te foutrais pas un peu de moi, par hasard ?

Je m'adossai un peu plus confortablement à ma chaise, voulus instinctivement croiser les bras, mais ils étaient sanglés aux accoudoirs. À défaut, je ne pus que refermer mes doigts sur le métal froid et rétorquai, sarcastique :

— J'ai du sérum de vérité dans les veines, ne va pas m'accuser de mentir, non plus...

— Ça ne t'en empêcherait pas.... grogna-t-il.

— Pas faux.

Je laissai un sourire caustique affleurer à mes lèvres, sincèrement amusée. Jusque là, tous les Thor avec lesquels j'avais eu l'occasion de traiter n'avaient été que des brutes arrogantes dont la façade suffisante s'était évanouie après quelques coups de couteau. Mais si c'était ce à quoi Kalyan s'attendait de ma part, il allait avoir une très mauvaise surprise.

— Donc, tu admets avoir menti au moins une fois depuis que tu es là ?

— Qu'est-ce que ça changerait ? relevai-je, sceptique.

— Rien, c'était pour savoir.

Je cillai, me demandai un instant si, en plus du thiopental, ils viendraient bientôt me mettre des électrodes et mesurer mon pouls pour savoir si je disais la vérité. Ou y avait-il un Týr de l'autre côté de cette vitre sans tain à ma gauche ? Au fond, ça ne changerait rien, puisque j'allais garder le silence.

— Bon, souffla-t-il, au moins, on peut définir les règles.

Je me penchai en avant, de quelques centimètres à peine, retenue par mes liens, fis face aux yeux bleus électriques qui guettaient chacune de mes réactions.

— Il n'y en a qu'une. Tu frappes, je souffre, et je ne parle pas.

Il se plaça nez à nez avec moi. Son parfum discret, citronné, probablement de l'after-shave, vint flotter autour de moi, frais, agréable, remplaçant brièvement la puanteur omniprésente de l'hémoglobine.

Le Cycle du Serpent [I] : La Confrérie de LokiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant