Le Cycle du Serpent [I] : La Confrérie de Loki

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Les relents d'ozone qui alourdissaient l'air hérissèrent les poils de ma nuque à l'instant où je mis le nez dehors. Je soufflai longuement, enjambai le cadavre encore fumant du Freyr, pour me retrouver face à une ligne de canons braqués dans ma direction. Les silhouettes étaient cagoulées, postées à une dizaine de mètres de l'entrée, mais, malgré la distance, il n'y avait aucun doute sur l'éclat azur des prunelles qui me guettaient.

— Halte, mains en l'air !

Je m'immobilisai, mais n'eus pas à attendre longtemps. Une femme d'âge mûr, que les Thor s'étaient efforcés de maintenir éloignée du restaurant jusque là, leur échappa soudain, fonça vers moi, faillit tout juste me faire tomber en m'arrachant son fils des mains. Je vacillai, gémis, mais elle m'agrippa fermement par le bras pour m'enserrer dans une violente étreinte, tout en me répétant une litanie de remerciements à une vitesse ahurissante. Figée, encore instable sur mes appuis, je ne parvins à échapper à son emprise reconnaissante que lorsqu'on lui hurla de s'écarter de moi.

Elle redescendit les escaliers en quatrième vitesse, son enfant en sécurité dans ses bras, disparut bien vite derrière le cordon de Thor qui me faisaient face, menaçants, mais apparemment surpris. Lentement, je levai les mains en l'air, avant qu'ils ne décident de s'essayer au tir au pigeon sur moi. Je devais avoir une drôle d'allure, entre ma combinaison mondaine, mon AKM qui pendouillait sur le côté et mon masque à gaz relevé... Mais après tout, ça m'avait permis de faire le sale boulot à leur place.

— Vous inquiétez pas, y'a plus personne à l'intérieur ! lançai-je avec un sourire carnassier pour me donner une contenance.

En face, une cagoule se souleva, dévoilant une mâchoire ciselée que je connaissais bien. Je demeurai immobile alors que Kalyan s'approchait de moi pour m'ôter le fusil, tandis que la moitié des autres Thor s'élançaient au pas de charge vers l'intérieur du restaurant pour sécuriser les lieux.

— Je pensais que tu serais déjà loin... souffla-t-il, sceptique.

Une mince grimace de dépit m'échappa.

— Moi aussi, crois-moi. Mais comme personne ne semble savoir faire son job, chez vous...

Un semblant de sourire se dessina sur son visage. Il réactiva mes menottes d'une pression sur la poche de sa veste, fit passer le fusil à un autre soldat, et m'attrapa par le bras. Je poussai un grognement instinctif lorsque je me sentis tirée vers l'avant, me rappelai soudain que j'étais toujours blessée. Kalyan fronça un sourcil. Son regard descendit vers mon épaule droite, tachée de sang à moitié séché.

— Je croyais que tu étais droitière ? releva-t-il en faisant un signe précis à l'un de ses subordonnés.

— C'est le cas.

— Tu es en train de me dire que tu as descendu une escouade entière en étant blessée à ta main de tir ?

Face à sa surprise apparente, je me permis un ricanement narquois, provocateur.

— Juste les six derniers.

J'observai les alentours, curieuse. En-dehors du cordon de sécurité des Thor – que je découvrais être bien plus nombreux que je ne l'avais supposé en arrivant ici – une première ambulance était déjà sur les lieux, et s'occupait de traiter les humains affectés par le gaz lacrymogène. La ruelle était éclairée par un mélange de lumières bleues et rouges intermittentes, mêlées aux clignotants orangés de l'ambulance en stationnement précaire. Il n'y avait pas encore de journalistes, ni de policiers ou de badauds – probablement parce que le restaurant était situé au bord d'une dense forêt, près d'une route qui n'avait pas l'air fréquentée – mais cela n'allait pas tarder.