Le Cycle du Serpent [I] : La Confrérie de Loki

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— Je ne fais rien tant que je n'ai pas eu mon augmentation, réfutai-je en croisant les bras devant moi.

Silence de l'autre côté. Je serrai les dents, avec la méchante envie de frapper du poing sur la table. Mais Kalyan n'était pas à même de négocier, pour une fois, et je n'avais pas la patience d'attendre qu'il joue le pigeon voyageur entre ses supérieurs et moi.

— C'est pas compliqué... grommelai-je. Oui, ou non. M'enfin, « non », ça risque d'être problématique pour vous, vu les fiascos que je vous ai évités.

Même le blond avait compris que je ne m'adressais pas à lui. Pour bien me le signifier – et montrer à ses chefs qu'il n'avait plus sa place ici – il se leva de sa chaise, alla s'adosser à la porte fermée en m'adressant un sourire narquois. Je fis face à la vitre sans tain, une vague grimace tordant mon visage, commençai à énumérer :

— Les Freyr. La police italienne. Adamson. Déjà, rien qu'avec ça, vous m'en devez beaucoup.

— Pour Adamson, tu as eu le droit d'écouter les infos, comme convenu, contra Kalyan, qui malgré la situation, ne perdait pas de vue les objectifs de sa Maison.

— Infos que je connaissais déjà, contrai-je avec un rictus moqueur. Et j'en sais même toujours plus que vous sur cette OPA, d'ailleurs.

Il cilla, conscient de la sincérité dans mon ton. Et pour cause, c'était Ekrest qui avait découvert cette opération hostile en premier lieu. Je ne réalisais que maintenant qu'il avait probablement dû interroger Adamson, ce pauvre fils de Freyr qui m'avait servi de cobaye, pour la découvrir.

Le rachat était programmé depuis un moment déjà, il se préparait depuis des mois, lentement mais sûrement. Et ce n'était certainement pas moi qui allais y mettre un terme. Voir les Heimdall perdre un peu de leur superbe n'était pas pour me déplaire ; à cause de leur foutue vision magique, je les détestais souvent plus que les Thor et les Odin réunis.

— J'attends, conclus-je d'un ton sec. Si je ne m'estime pas rétribuée, notre collaboration s'arrête ici.

Cette fois-ci, j'eus enfin le droit à une réponse. Une voix artificielle, robotique, jaillit d'un haut-parleur savamment dissimulé quelque part dans la pièce, dont je n'avais jamais soupçonné l'existence jusqu'à maintenant.

— Êtes-vous réellement prête à retomber dans la routine, voire à regarder les vôtres souffrir ?

Impossible d'établir si c'était un homme ou une femme qui me parlait, sans même essayer de deviner sa catégorie d'âge. Ceci dit, le rang de mon interlocuteur était aisément déterminable : c'était l'un des vrais cerveaux qui se cachaient derrière les opérations militaires de la Maison de Thor depuis des décennies. Un haut commandant militaire, peut-être même un Hamershot. Figée, à la fois anxieuse et étrangement excitée par la situation, je ne m'autorisai pas une pensée pour Ekrest. Ce qui pouvait hypothétiquement lui arriver n'avait pas à m'influencer. Dans le cas contraire, il me massacrerait.

Peu importe ce qu'il t'en coûte, avait-il dit.

— Seulement si vous êtes prêts à faire une croix sur une bonne partie des hommes affectés à la prison... souris-je.

Je pouvais commencer maintenant, avec Kalyan. J'étais libre de mes mouvements, et suffisamment rapide pour lui faire la peau, je me faisais confiance là-dessus. Lui-même, vu sa soudaine tension et les étincelles qui crépitaient le long de ses doigts, en était conscient. De plus, mon seuil de tolérance aux décharges électriques avait sensiblement augmenté ces dernières semaines.

— Vous paraissez oublier que vous demeurez notre prisonnière... finit par grommeler la voix.

De l'autre côté de la vitre qui me renvoyait mon reflet, je ne pouvais rien discerner. Aussi gardai-je le regard fixe, détaillant mon visage, à la fois doux et pourtant sévère, enfin guéri des dizaines d'hématomes qui avaient déformé mes traits. Quelque chose me chiffonnait dans mon reflet, sans que je ne parvienne à déterminer quoi. Était-ce mon apparence inhabituelle qui me perturbait autant ?