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Lorsque la porte s'ouvrit à nouveau, il ne me fallut qu'un seul regard à mon geôlier pour savoir que quelque chose dans les règles du jeu avait changé. Il avait plaqué sur son visage un masque de cynisme cruel, qui ne laissait presque rien transparaître de ses émotions. Il n'y avait que ses yeux pour le trahir, pour sous-entendre qu'il n'aimait pas ce qu'il devait faire, et encore, c'était à peine visible.

Je me permis une ombre de sourire en comprenant que nous étions surveillés, et que Kalyan n'aimait pas ça. Pire encore, il ne voulait probablement pas me faire du mal. Dommage que je doive l'y obliger. Mais il n'y avait pas d'alternative, je souffrais déjà par sa faute, un peu plus ou un peu moins ne changerait rien.

— Alors Lokinette, bien réfléchi ?

— C'est comme pour la vue, souris-je, ça dépend de ce que tu entends par là.

— Dois-je comprendre que tu cherches encore les endroits où me planter une lame ? soupira-t-il, faussement attristé.

Je haussai les épaules.

— C'est à toi de faire les déductions, pas à moi de te les souffler. Mais, pour info, je les ai déjà trouvés depuis longtemps.

— Je n'en doute pas...

Son ton exagérément railleur n'échappa à aucun de nous deux. Je fermai brièvement les yeux, songeant à la manière dont j'allais jouer cette première rencontre. Tout le reste de mon séjour serait déterminé par cette simple entrevue. Il était évidemment hors de question que je cède aux demandes des prunelles électriques et que je trahisse ma famille. Je n'avais pas emporté ses secrets dans ma tombe, mais je pouvais au moins les protéger jusqu'à mon dernier souffle. Cela dit, leur affirmer ça, de but en blanc, n'était pas non plus la garantie d'une vie simple et agréable. Ce n'était pas censé importer, pas avec l'entraînement que m'avait prodigué Ekrest, mais je pouvais jouer sur une fausse vulnérabilité, ne serait-ce qu'au début. Le temps qu'ils découvrent mon identité, ma position d'Élite, et se décident à me faire souffrir mille morts quotidiennes.

— Plus sérieusement, Lokinette, tu connais mon nom, mais je ne connais pas le tien. C'est injuste, tu es d'accord ?

Je lui flashai un sourire narquois.

— C'est toi qui me parles de justice ?

Il leva un bras, l'air de vouloir me frapper, ou faire un signe à quelqu'un à l'extérieur, quand je l'arrêtai :

— Mais c'est vrai que « Lokinette »...

Je fronçai le nez en énonçant le surnom, et Kalyan haussa un sourcil dans l'expectative.

— Appelle-moi Gaby.

— Comme Gabriella, la négociatrice de la rançon ?

— Félicitations, Ennilang ! raillai-je.

Il n'y avait aucune de mes fausses identités officielles qui s'appelle Gabriella, je ne risquais pas grand-chose à leur donner ce nom. Ce n'était qu'un alias, qui ne ferait pas long feu, mais qui me protégerait quelques heures de plus, éventuellement.

Sauf que Kalyan n'était pas dupe non plus, il savait que je n'allais pas me dévoiler juste comme ça. Lorsque je lui donnai mon nom, il sourit, haussa les sourcils.

— Est-ce que cela sert seulement à quelque chose que je le fasse rechercher dans la base de données ?

Pour toute réponse, je roulai des yeux. Ennilang. Front large. Un Quentin employé pour définir le dieu Thor, mais qui parlait clairement plus de son physique que de sa capacité cérébrale. Et la même chose semblait s'appliquer pour ses enfants.

Le Cycle du Serpent [I] : La Confrérie de LokiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant