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— Qu'est-ce qui t'a poussée à collaborer avec nous ? Qu'est-ce qui te motive, actuellement ?

Je ravalai un rire ironique lorsqu'il me posa cette question, plutôt qu'une autre de son répertoire, juste après m'avoir dit que les miens ne feraient rien pour moi.

— Ekrest. Et puis... un ras-le-bol général, je suppose... soufflai-je, guettant à la fois sa réaction et celle du thiopental dans mes veines. Disons que je n'ai rien à perdre, et tout à gagner. C'est moche, mais c'est totalement égoïste et personnel.

Une brûlure intérieure ponctua ma réponse, mais rien d'assez désagréable pour m'obliger à dévoiler que je ne disais pas la totalité de la vérité. Des années plus tôt, Ekrest m'avait juré que, quoi qu'on lui inflige, il ne me demanderait jamais de collaborer, qu'il ne me pousserait jamais à ce genre de trahison, qu'il serait toujours suffisamment solide pour encaisser ce qu'on lui ferait. S'il l'avait fait maintenant, cela voulait dire que la Confrérie ne méritait plus qu'il se batte pour elle. C'était uniquement à cause de lui, à cause de sa décision, que je le faisais, même si c'était la pire sensation du monde.

— Pas de... plan de fuite sous-jacent, pas d'opportunité que tu voulais saisir ?

— Plan de fuite, non. Opportunité pour moi de me sortir de la routine et de voir ce que vous pouviez m'offrir en retour, si. Je crois que tu as écoulé ton quota de questions, ajoutai-je avec un rire.

Il roula des yeux, sachant pertinemment que je n'étais pas totalement sérieuse. Heureusement pour lui, d'ailleurs, sinon le jeu aurait été terminé. Mais demander des précisions n'était pas un crime, pas pour moi. J'avais envie de pousser les Thor dans leurs retranchements, de voir ce qu'ils voulaient savoir de ma part.

— Est-ce que quelqu'un à l'intérieur de la Confrérie a aidé à faire capturer les autres Élites ? poursuivis-je, dents serrées, calmant avec difficulté mes battements de cœur.

Ma question prit Kalyan au dépourvu. Il cilla, étonné, demeura quelques secondes muet.

— Oui.

Un seul mot. Une réponse qui hantait mes plus récents cauchemars. Un mot qui me fit plonger dans l'abysse.

— Et tu ne me donneras pas de détails, évidemment, grognai-je, grincheuse.

— Tu ne me croirais pas.

Je secouai lentement la tête, incertaine. Je ne savais pas s'il bluffait, ou s'il le pensait vraiment. Dans un cas comme dans l'autre, le champ des possibilités se restreignait de lui-même à une poignée de personnes assez haut placées pour connaître les déplacements des Élites des différentes époques. Ou alors étaient-ce plusieurs personnes, qui œuvraient de concert et se transmettaient les informations au fil des siècles ? Quelles seraient leurs motivations ?

— Lilith ?

— Hein ?

Réponse ô combien intelligente. Je relevai les yeux. Spontanément, j'avais fait le tri dans ce que j'écoutais. Sa question était entrée par une oreille, ressortie par l'autre, sans passer par l'intermédiaire de mon cerveau.

— Où es-tu née ?

Je me secouai, réfléchis un instant. Il n'y avait aucun mal à lui répondre, cette fois-ci ; ce n'était pas comme s'il risquait de retrouver autre chose que des tombes vides et des coupures de journaux pour traiter de « l'incident » dont sa famille était responsable. Lilith Síverdín était officiellement décédée quinze ans plus tôt et, même si j'avais gardé cette identité pour me présenter, dans les registres administratifs, elle n'était plus qu'un petit tas de cendres.

Le Cycle du Serpent [I] : La Confrérie de LokiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant