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La salle de surveillance était à l'image de toutes celles que j'avais pu visiter jusqu'à maintenant : une grande pièce sombre, illuminée en bleu à cause de la multitude d'écrans plats. Côté gauche, neuf d'entre eux avaient été incrustés dans le mur pour n'en former qu'un seul, gigantesque. Côté droit, trois tables accolées donnaient l'illusion d'un immense bureau longiligne. L'ensemble de la pièce avait peut-être cinq mètres sur sept, au grand maximum et, de fait, le sang avait plus ou moins giclé partout. J'esquissai une grimace en me faufilant avec précaution sous les câbles électriques, attentive à ne pas les toucher.

Les ordinateurs de bureau étaient presque irrécupérables. L'un avait explosé sous l'impact de la balle qui avait traversé de part en part le crâne de son utilisateur, le second était parcouru d'étranges flashes colorés assez régulièrement, probablement à cause du sang qui avait giclé sur le moniteur, et un bon tiers du troisième était tout simplement noir. Mais, au moment même où je me demandais si on pourrait encore en tirer quelque chose, la porte vola presque hors de ses gonds. Un coup de feu claqua dans mes oreilles, la foudre illumina la pièce de blanc.

J'esquivai l'éclair en bondissant sur le côté, au prix de quelques cheveux roussis, mais Sam n'évita pas le tir. J'entendis son grognement de douleur, ne lui accordai cependant pas un regard, trop concentrée sur mon bouclier humain actuel : Kalyan. Par réflexe, je m'étais réfugiée derrière lui, l'avais immobilisé d'une violente clé de bras, et avais pointé mon arme sur la porte d'entrée. En me voyant ainsi cachée derrière le blond, sa brunette de sœur poussa un grognement d'irritation, claqua la porte pour se mettre elle-même à l'abri derrière. Quand le battant se rouvrit lentement, elle agrippait par le bras une petite silhouette aux cheveux courts douloureusement familière, le canon de son arme collé contre sa tempe.

Je me figeai, haletante, colère pulsant dans mes veines lorsqu'Emma Hamershot s'avança dans la pièce, ses yeux électriques froids fichés sur moi. Aucun autre enfant de Thor n'osa entrer, se doutant probablement qu'il risquait de se prendre une balle avant d'avoir pu faire deux pas à l'intérieur. Mais ce n'était plus la porte que je surveillais.

Les yeux de Vanessa, rougis par les larmes qui coulaient à flot, la douloureuse résignation que j'y lisais, me clouaient sur place. De ses prunelles embuées, porteuses d'un message que je ne souhaitais pas comprendre, elle ne fixait que moi. Je secouai lentement la tête, incapable d'envisager ne serait-ce qu'un instant l'idée que je devinais dans son attitude, me mordis les lèvres, dévorée par la haine, brûlée par l'envie d'aller vérifier l'état de Sam. Ceci dit, vu la respiration sifflante qui s'échappait de sa visière entrouverte, je savais déjà que la balle avait probablement traversé le Kevlar et perforé le poumon.

Je me permis un bref coup d'œil dans sa direction. Il était affalé un mètre plus loin, la tête renversée en arrière dans le trou que nous venions de creuser dans le mur. Son souffle était haché, son corps raidi. Il encaissait la douleur en silence. Il se relèverait bientôt. Je le connaissais trop pour ne pas le savoir. Mais il fallait que je gagne du temps.

— Emma Hamershot... sifflai-je, glaciale.

La Thor s'était repliée tout près des neuf immenses écrans plats, dans le coin de la pièce, afin d'avoir une position aisément défendable. Je la fusillai d'un regard haineux.

— Lilith Síverdín, répliqua-t-elle sur le même ton. Tu as tes pouvoirs. Comment ?

J'esquissai une ébauche de sourire venimeux.

— Ce ne serait pas drôle si je te disais.

Elle pencha la tête sur le côté, me détaillant de la tête aux pieds. Son regard s'attarda sur mon cou et le collier noir qui l'entourait, elle fronça les sourcils.

Le Cycle du Serpent [I] : La Confrérie de LokiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant