Le Cycle du Serpent [I] : La Confrérie de Loki

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Parvenue à l'intersection suivante, méfiante, je ne pointai que le bout du nez à découvert, juste assez pour jeter un coup d'œil de l'autre côté. Bien m'en prit. Le couloir droit devant était vide, mais, venant de la gauche, un éclair rasa ma tête, dressant mes cheveux sur mon crâne, et pulvérisa la peinture du mur contre lequel les pointes s'écrasèrent. Je cillai. Le Thor qui venait de lancer ça était assez puissant pour maîtriser la longueur de son attaque, ceux-là étaient rares. Et expérimentés.

Évidemment.

Je coulai un regard méfiant à Kalyan, maintenu en respect par Sam. J'avais juste eu le temps d'entrapercevoir une escouade de six soldats, dont la brunette, décidément retorse.

— La brune, c'est qui ?

Mon ancien geôlier ne répondit pas. Je grognai doucement, insistai :

— Kalyan ?

Il garda le silence, probablement parce que je venais de carboniser une vingtaine de ses frères. Mais j'avais besoin de savoir. Je devais pouvoir jauger la dangerosité de mon adversaire. Alors je me glissai derrière lui, muselai mes émotions, et lui tordis le bras gauche dans le dos. Il poussa un gémissement de douleur étouffé.

— J'ai encore besoin de toi... sifflai-je à son oreille. Mais une main te suffit, pour ce que tu dois faire. Qui est-elle ?

J'avais conscience d'y aller un peu fort. Mais je m'en voulais encore de ressentir ce que je ressentais, d'avoir mal quand je lui faisais mal. Aussi fis-je encore un peu plus pression, dopée à la frustration qui me faisait prendre le dessus sur la corpulence du grand blond, malgré ma maigreur. Mon pouce effleura la veine de son poignet, et, trois battements de cœur plus tard, j'étais dans sa tête. Ma première pensée, instinctive, retenue depuis trop longtemps, m'échappa avant que je n'aie pu la retenir.

— Ne m'oblige pas à te faire ça, s'il te plaît...

Il tressaillit, et mon propre cœur bondit dans ma poitrine. La phrase avait résonné dans son esprit, il m'avait entendue. L'espace d'une seconde, j'avais perdu le contrôle du lien mental. Je dus lutter pour dresser des barrières rapides, afin qu'il ne capte pas d'autres réflexions inopinées.

— Tu es sérieuse ? siffla-t-il. Tu viens de décimer mes frères, tu menaces de me couper une main, et tu veux encore que je te file des infos ?

— Je ferai le nécessaire pour sortir les autres de là, rétorquai-je mentalement, dents serrées.

Derrière la voix mentale déterminée, la souffrance intérieure suintait, et je ne savais pas s'il l'avait perçue. J'avais assez de contrôle sur mon propre corps pour m'empêcher de trembler, mais rien que mes battements de cœur irréguliers me prouvaient que je m'étais trop laissée aller durant mon séjour ici. Je tenais trop à lui, j'avais encore trop de difficultés à accepter qu'il se foutait un peu de moi, au fond.

— C'est Emma, ma sœur jumelle.

L'usage de ce mot, dans notre monde, me fit tressaillir. Jumelle. Donc sœur de sang, dotée des mêmes pouvoirs que le blond, qui avait d'un simple éclair carbonisé une vingtaine de Freyr devant un restaurant de luxe. Relativement bonne combattante, assez intelligente pour ne pas s'exposer au milieu de ses soldats, même si j'abhorrais personnellement cette méthode. Un soupir m'échappa.

— Je peux négocier... murmura le blond, toujours conscient de ma présence dans son crâne. Mais ça risque de soulever des questions.

Je n'avais pas eu le temps de voir s'il y avait des Heimdall dans le groupe, je ne pouvais donc pas simplement sortir, couverte d'une illusion, et prier pour que ça passe. Et ils n'étaient certainement pas assez stupide pour croire Kalyan une seconde fois lorsqu'il dirait que tout allait bien. Je secouai lentement la tête en considérant l'intersection en T à laquelle nous étions bloqués.