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Quelques minutes s'écoulèrent en silence. Postée devant la porte, je guettais du coin de l'œil les Odin, qui eux me surveillaient ouvertement. J'aurais aimé penser qu'ils pouvaient me reconnaître à ma juste valeur, mais je ne me faisais que peu d'illusions. J'étais la seule personne encore sur leur chemin pour atteindre Séraphin – ce qui était exactement la raison pour laquelle je m'étais placée là – et de fait, la personne à éliminer en priorité. Sauf que j'étais armée, et eux non.

Seul le Thor resté dehors paraissait serein, et gênait de fait mon instinct. Autour de nous, tout était calme, et pourtant, mon cœur battait trop vite dans ma poitrine. Il y avait quelque chose, dans son attitude, qui me dérangeait foncièrement, une sorte d'impression de déjà vu.

— Kenaz, périmètre établi, activation sur commande instantanée.

Je me permis un léger sourire. Il faudrait que ce Kennaz vienne faire des missions avec moi de temps en temps. C'était rare que je requière de l'assistance, mais lorsque c'était vraiment le cas, j'avais besoin de ce genre de personnes, compétentes et débrouillardes. Ici, le simple fait qu'il ait pensé à l'activation instantanée nous ferait gagner de précieuses secondes en cas de problème. Et il l'avait fait spontanément.

— Parfait. Fehu bis, poursuivis-je, tu en es où ?

— Ta gueule, je compte.

Un rire discret secoua l'ensemble de l'équipe lorsque la réplique claqua. On décelait dans la voix de Selvigia un étonnant – mais très drôle – mélange d'irritation et de concentration. Si je la connaissais assez bien, elle et Uruz s'occupaient de l'argent, tandis que Thurisaz gardait un œil sur le prisonnier, et Ansuz et Raidho tenaient les Æsir à distance. Neuf personnes enfermées dans trente mètres carrés, l'ambiance devait être tendue.

Avec un léger soupir, je calai mes épaules contre la porte, doigt négligemment posé sur la gâchette, dans une attitude faussement décontractée. En face, les yeux électriques m'imitèrent ; l'homme s'adossa contre le mur, mains dans les poches. Pas d'armes, pas de menace potentielle, à part ces doigts dont pouvaient jaillir des éclairs à tout moment, mais son mouvement me déconcentra quelque peu tant sa familiarité incongrue me frustrait.

— Fehu bis, comptes terminés, la somme y est, annonça ma sœur d'une voix lasse. Ils récupèrent l'otage.

— Hé, attendez, qu'est-ce qui lui est arrivé ? s'exclama soudain la Heimdall de l'autre côté, outrée.

Une fraction de secondes. C'était le temps qu'il fallait pour que les Odin reçoivent l'ordre qu'ils attendaient probablement depuis le début, et que leurs corps se tordent, illuminés de blanc. Le temps qu'il fallait pour que quelqu'un constate les dégâts sur le visage de Séraphin, qui venait d'être dévoilé, et hurle à l'abus de pouvoir.

— Périmètre, maintenant ! soufflai-je dans les communications générales, soudain parée au combat.

Une forte odeur d'ozone, similaire à celle de l'eau de Javel, se propagea dans l'air. Sa source, les doigts crépitant d'électricité du Thor, n'était une surprise pour personne. En un instant, il avait sorti ses mains de ses poches, et chargeait lentement ce qui ressemblait à un violent assaut. Je me tendis, parée à invoquer un bouclier dès que nécessaire.

Puis, brutalement, les étincelles disparurent. Au même moment, la lumière qui nimbait les Odin s'éteignit, et mes propres pouvoirs désertèrent subitement. Leur absence laissa un vide désagréable, un arrière-goût amer dans ma gorge. C'était comme la faim, une sensation diffuse, pas vraiment douloureuse, mais irritante. Pourtant, je serrai les dents, levai mon arme, et la pointai sur le Thor. Un froncement de sourcils vint déformer son masque de tissu, ses yeux étincelèrent de colère. Je réprimai un sourire, consciente que tout se jouait maintenant.

Le Cycle du Serpent [I] : La Confrérie de LokiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant