Le Cycle du Serpent [I] : La Confrérie de Loki

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Le visage de Kalyan était à l'image du mien, un masque aussi impénétrable que le mur blindé, pour quiconque n'ayant pas les accréditations nécessaires. Moi, je les avais pour les prunelles azur, mais les émotions qui y tourbillonnaient étaient trop confuses et trop emmêlées pour que je puisse les déchiffrer. Et de toute manière, je n'avais pas la tête à ça. La rancœur que je me témoignais m'empêchait d'être impartiale. J'avais besoin de bouger, de penser à autre chose, d'oublier.

À l'instant où Ekrest serait à mes côtés, tout irait mieux. Mais d'ici-là...

— La magie de l'autre côté ?

— Accessible.

Sa réponse avait été lapidaire. Je hochai la tête, lui fis signe d'attendre avant de faire descendre la barrière qui nous permettrait d'accéder à la zone suivante. Mon esprit était en vrac, mes émotions en berne. Je me sentais soudain incapable d'assumer cette responsabilité qui pesait sur mes épaules, celle de libérer des Élites prisonniers depuis des années. Comment faire ? Comment gérer l'éventuelle escouade qui nous attendrait de l'autre côté, avec seulement un pistolet, un fusil, et la moitié de mes pouvoirs ? Comment faire quand la seule chose sur laquelle je parvenais à me focaliser était la sourde douleur dans ma poitrine ?

Lèvres pincées, je m'adossai au mur, juste sous une diode écarlate, observai un instant mes cheveux détachés, jouant distraitement avec une mèche. J'avais du mal à me concentrer. Les images qui tourbillonnaient devant mes yeux ouverts n'étaient pas celles d'ébauches de plan, mais celles d'une nuit pas si lointaine, où je m'étais crue en sécurité. Où je m'étais permise d'être vulnérable.

Stupide. Ridicule.

J'avais ouvert une brèche dans mon mental, ce jour là. J'avais cessé d'agir pour Ekrest, et commencé à agir pour moi. Aujourd'hui, j'en payais le prix au centuple.

Mon regard tomba sur Sam. Sam, avec qui j'avais partagé bien plus d'une nuit, Sam qui n'avait jamais trahi la confiance que j'avais en lui. Sam, qui m'avait juré allégeance à vie après que je l'aie sauvé d'un Svinfylkingar, un guerrier d'Odin métamorphe.

Svinfylkingar... Barcelone...

Mais bien sûr !

Je serrai les dents, chassai brutalement de mon esprit tout ce qui pouvait entraver les souvenirs et parasiter mes réflexions. Paupières closes, je revécus en un instant mes débuts avec Sam, à Barcelone. La seule fois – rançon de Séraphin exceptée – où j'avais réellement failli mourir en mission.

— Sam ?

Il ne bougea pas, mais je devinai son attention qui se focalisait sur moi. Je lui lançai son pistolet, qu'il rattrapa au vol, réarma, puis glissa dans son holster.

— Va derrière l'angle, ordonnai-je. Je m'occupe d'une éventuelle troupe. Méthode Barcelone.

Son regard voltigea en direction de Kalyan, ses doigts se crispèrent sur la gâchette de son AK-47, et je sentis son désir brûlant de me faire une remarque bien sentie, mais il finit par obtempérer sans mot dire, trop conditionné par son rang de simple soldat. Le claquement militaire de ses talons sur le sol de béton, sec et froid, sa raideur apparente – et ô combien justifiée, en vérité – m'arrachèrent un soupir, mais je pivotai vers le Thor, qui m'observait avec curiosité.

— À l'instant où on sera dehors, couvre-toi d'un bouclier thermique. Conseil d'alliée.

Ses sourcils se froncèrent.

— Est-ce que je veux savoir pourquoi ? demanda-t-il.

— Je ne pense pas, souris-je, vipérine. Débrouille-toi juste pour qu'on nous laisse passer.