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— Debout là-dedans !

Je souris en entendant la voix, mais ne bougeai pas d'un pouce. Ma couchette s'était en fin de compte révélée presque confortable, maintenant qu'il y avait un coussin. L'un des gardiens l'avait fait passer la veille, en me gratifiant au passage d'un regard assassin que je n'étais pas sûre d'avoir mérité. J'avais tout de même vendu mon âme à Hel pour l'obtenir...

Kalyan grogna de façon parfaitement audible, mais ce grondement avait quelque chose d'amusé. La porte grinça, claqua. Ses pas lourds s'approchèrent de moi.

— Ne me fais pas regretter de t'avoir fait passer ce coussin... menaça-t-il.

Je me retournai, le fixai avec mon sourire en coin habituel, presque taquine pour une fois.

— Désolée... mais c'est tellement plus agréable, maintenant !

Il roula des yeux, et je me levai en grommelant, faussement agacée. Il me tendit une paire de baskets de qualité... étonnamment bonne, à ma grande surprise, et des chaussettes propres. Devinant ce qui s'annonçait, je les enfilai en quatrième vitesse, un sourire joyeux aux lèvres à l'idée de pouvoir enfin bouger un peu. Puis, Kalyan fit un signe vers l'extérieur. Mes bracelets claquèrent en se collant soudainement, la grille s'ouvrit.

La sensation d'avoir les pieds enfermés dans des chaussures, pour la première fois depuis deux mois, me perturba. Je cillai, sortis à petits pas, profitant de la différence de pression entre mes orteils et mes talons, faisant basculer mon poids d'avant en arrière juste pour apprécier la sensation d'avoir à nouveau des semelles. Kalyan me rejoignit à l'extérieur, m'attrapa par l'épaule et me poussa vers la gauche. Sans piper mot, il me mena silencieusement jusqu'à un escalier, devant lequel il me banda les yeux. Ensuite, je gravis les marches une à une.

Aveugle, je me fiais bien plus à mon nez et à mes oreilles que je le faisais d'habitude. L'escalier était circulaire. Je le savais parce que je sentais que je devais sans cesse obliquer vers la gauche, mais aussi parce que l'air circulait d'une façon différente autour de moi. De plus, je perçus aisément le changement de surface lorsque, des prisons, nous émergeâmes dans leur base. Le ciment lisse devint un dallage de pierres irrégulièrement disposées, taillées en rectangles. On me tira à droite, à gauche, puis deux fois à droite. Une nouvelle volée d'escaliers, droits cette fois-ci, encore des virages.

Le silence se faisait sur mon passage, puis les gens reprenaient en murmurant. Je sentais leurs regards désapprobateurs qui pesaient sur mes épaules, leur énergie magique qui crépitait tout autour de moi, l'air qui se chargeait d'ozone. Menottée, désarmée et vulnérable, face à des gens qui voulaient ma peau simplement parce que mes yeux avaient une couleur différente de la leur, j'avais l'impression désagréable d'être un lapin au milieu d'une meute de loups.

Puis, brutalement, les bruits du couloir disparurent, remplacés par un silence irréel. J'inspirai profondément, alors que le pas familier de Kalyan se rapprochait de moi. Il m'ôta mon bandeau, recula pour me laisser visualiser les lieux. Je cillai plusieurs fois pour accoutumer mes yeux à la soudaine luminosité des néons allumés. Normalement, les hautes fenêtres auraient probablement dû être ouvertes, mais les Thor ne voulaient sans doute pas que je puisse deviner où je me trouvais, aussi, les stores étaient baissés. Je m'arrêtai un instant sur les miroirs, qui me renvoyaient un reflet que j'aurais préféré ne pas croiser, pivotai sur mes talons en admirant les lieux.

Les machines flamboyantes et les équipements dernier cri, je les connaissais par cœur. Toute la pièce transpirait la modernité des salles de sport normalisées. Le plancher était en faux parquet poli mais, lorsque je levai les yeux au plafond, je vis de la pierre grisâtre taillée en blocs inégaux. Je souris intérieurement. Si mes souvenirs étaient bons, leur Q.G. était quelque part au nord de l'Italie. Et, au vu des apparences, ils devaient avoir investi un vieux château local. C'était une information qui pouvait toujours servir.

Le Cycle du Serpent [I] : La Confrérie de LokiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant