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Nous étions quasiment parvenus aux escaliers qui menaient dehors lorsqu'une sonnerie stridente se déclencha. Je tressaillis, faillis tout juste faire apparaître des flammes dans mes mains, mais la prise ferme de deux de mes gardes, qui m'avaient immédiatement agrippée par les bras, m'en empêcha. Des veilleuses que je n'avais jamais remarquées jusque là s'illuminèrent de rouge, tous les champs de séparation des cellules s'activèrent d'un seul coup. Tendue, j'observai Kalyan alors qu'il pivotait vers moi, sans comprendre pourquoi il ne réagissait pas

— Attends, murmura-t-il, si bas que je lus plus le mot sur ses lèvres que je ne l'entendis.

L'inquiétude dans son regard, la tension dans son attitude, m'auraient fait sourire si j'avais su ce qui se passait. Ce qui n'était pas le cas, et cette incertitude me rendait fébrile. Mon cœur palpitait dans ma poitrine, mon estomac remontait dans mon ventre, en direction de ma gorge.

Avec un vague ricanement sceptique, je réalisai que j'avais rarement été aussi nerveuse durant une mission compliquée. Même Barcelone m'avait moins secouée.

Double coup de coude, pivot, pied dans les génitales. Flammes, distance de sécurité. La scène se jouait devant mes yeux ouverts, une possibilité parmi mille autres, maintenant que je pouvais agir. Mais la promesse faite à Elisabeth résonnait encore à l'intérieur de mon crâne. On me tirait légèrement vers l'arrière pour m'inciter à reculer, je me mordis les lèvres.

En principe, ils auraient dû me forcer à rentrer dans la salle sécurisée la plus proche, par précaution, d'autant plus que j'étais armée de mes pouvoirs. Cependant, aucun des cinq Thor postés à côté de moi dans ce couloir vide ne bougeait d'un cil. Ils se contentaient de guetter.

Au bout de dix secondes de sonnerie continue, l'alarme s'éteignit, mais les diodes rouges demeurèrent allumées. C'est alors que je les perçus. Les chuintements. Comme une dizaine de pas, discrets, mais qui témoignaient d'une certaine lourdeur dans la démarche. Autour de moi, la tension des Thor rendait l'air électrique, et le type qui agrippait ma main gauche m'infligeait inconsciemment des décharges, peu puissantes, mais désagréables. À moins que ce ne soit pour me maintenir sur place.

Et puis, brusquement, une silhouette vêtue de noir, casquée et armée d'un fusil d'assaut, apparut à l'angle du couloir. Je me figeai, statufiée par l'incompréhension, alors qu'une demi-douzaine d'autres jaillissaient à sa suite, notai en une fraction de secondes une myriade de petits détails dans la démarche de chacun des nouveaux arrivants. Ces tenues, ces casques...

— STOP ! cria une voix métallique, impossible à reconnaître. À genoux, face au mur, les mains en évidence.

À ma grande surprise, Kalyan ne protesta pas ; il fut même le premier à coller son front contre le champ laiteux le plus proche, les paumes plaquées sur le sommet de son crâne. J'observai, ébahie, les uniformes noirs qui envahissaient le corridor, prenaient possession de l'espace, sans qu'aucun de mes gardes n'oppose la moindre résistance. Un fin sourire, encore incertain, m'échappa lorsque j'assimilai réellement la portée de la scène qui se déroulait sous mes yeux, une pointe d'espoir calma un instant mon cœur. Ils étaient venus. La Confrérie était venue.

Elle pouvait aussi être venue pour m'éliminer définitivement.

Le violent choc de cette idée me fit basculer en pilote automatique l'espace de quelques secondes. J'agitai les doigts dans mes menottes, me cachai derrière une illusion où je tenais mes deux Glocks fétiches pointées vers les nouveaux arrivants, et me repliai derrière l'angle le plus proche. Ainsi barricadée, je visai ouvertement – en apparence du moins – le chef de file casqué. Il s'immobilisa face à la menace, sans pour autant paraître vouloir reculer.

Le Cycle du Serpent [I] : La Confrérie de LokiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant