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Mes blessures, mes plaies ouvertes, mon dos en miettes, rien de tout cela n'importait. Mon cœur décolla, carburant à la terreur soudaine qui pulsait dans mes veines. Inconsciemment, je me libérai de l'emprise de mes gardes, qui s'étaient arrêtés. Le premier reçut un violent coup de coude dans la mâchoire, le second mes deux poings fermés dans le nez. Le temps qu'il se retourne, le troisième obtenait un coup de genou dans les parties. Il s'effondra à terre, gémissant. Je fauchai la matonne restante d'un coup de pied circulaire, bénis un instant le fait qu'ils aient pour une fois été stupides et m'aient attaché les mains devant.

Dédaignant les quatre que j'avais repoussés, je me jetai en avant, et m'accrochai aux barreaux avec la force du désespoir. Les deux semaines que j'avais passées m'avaient épuisée, physiquement et mentalement, mais ce n'était rien à côté de la violente impulsion qu'avait provoquée ce visage familier.

— Ekrest...

Il me prit les mains, jeta un bref coup d'œil à droite et à gauche, colla son front contre le mien. Son odeur fauve, si proche de ce dont je me souvenais, me frappa en plein visage, amena des larmes au coin de mes yeux. Mon environnement n'importait plus ; je ne voyais que ses yeux turquoise iridescents, je ne sentais que le contact de ses mains calleuses et chaudes sur mes phalanges. Il avait les traits tirés, le visage déformé et constellé d'hématomes, mais il y avait toujours cette délicatesse féline dans ses gestes, cette froide assurance dans sa posture.

— Comment...?

— Peu importe, coupa-t-il, autoritaire. Lilith, rappelle-toi. Cristal de roche, eau du Gjöll, menthe poivrée, marjolaine...

— Basilic et sauge, terminai-je à l'unisson, ramenant enfin à la surface ce lointain souvenir que le parfum de menthe avait un jour titillé. Je te jure que je reviendrai.

Un sourire triste étira ses lèvres minces, crispa ses traits en une douloureuse grimace de refus. Déjà, le fracas de pas précipités se faisait entendre des deux côtés du couloir.

— Non. File, sauve-toi tant que tu le peux. Reviens uniquement quand tu auras des renforts. Nos pouvoirs sont annihilés par des médicaments, on ne pourrait pas t'aider.

— Ça fait combien de temps ?

Les gardes étaient là. Ils s'acharnaient, essayaient de me déloger de mon perchoir. Mais je m'y accrochais comme une forcenée, tentais désespérément de glaner quelques secondes supplémentaires.

— Trois mois, environ. Pour moi. Tu as lu ma clé USB ?

Un sanglot étouffé jaillit de ma gorge, je gardai mon front pressé contre le sien.

— Non... murmurai-je d'une voix à peine audible. Pourquoi ?

— J'avais voulu te prévenir... Je n'ai pas eu le temps. Tant pis. Sors d'ici, peu importe ce qu'il t'en coûte. Tiens bon, m'encouragea-t-il.

Je hochai la tête, réprimant difficilement les pleurs qui menaçaient.

— Peu importe ce qu'il t'en coûte, insista-t-il. Et maintenant, lâche prise.

— Non !

Il plongea son regard turquoise dans le mien.

— Ne fais pas la même erreur que moi. S'il te plaît.

Lâche prise.

La tendresse dans ses yeux acheva l'œuvre des gardiens, et mes doigts s'ouvrirent. Je fus traînée en arrière, et à ce moment seulement, je pris conscience de la tempête autour de moi. Six soldats faisaient pleuvoir des coups ininterrompus sur mon dos et mes épaules, le septième pianotait frénétiquement sur le panneau de contrôle du champ magique. Les cris de panique, mélangés aux murmures des prisonniers qui assistaient à la lutte, envahirent mes oreilles, firent voler en éclats la bulle dans laquelle je m'étais isolée avec Ekrest.

Le Cycle du Serpent [I] : La Confrérie de LokiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant