| 25 |

38 9 7
                                    

Dans les couloirs chauffés par radiateurs, où la température fluctuait en fonction de l'étage, les murmures étaient omniprésents. Ils traversaient les parois de mon sac de toile, m'enveloppaient dans un cocon sonore étrangement rassurant. Pour peu, j'aurais pu me croire au Manoir, avec les petits silences qui se faisaient sur mon passage, puis les chuchotements qui reprenaient lorsque je m'éloignais de plus de trois pas. Ici, le fait que j'avais le visage dissimulé par un sac n'empêchait pas les ragots de courir, puisque tous semblaient savoir ce qui s'était passé.

Et, de ce que j'entendais, Kalyan allait avoir du mal à sortir de sa chambre sans se faire dévisager et se faire discrètement insulter. Quant à moi, les rumeurs à propos de mes exploits de la veille avaient circulé dans l'immense bâtisse, et avaient si vite été déformées que même le Manoir ne pouvait soutenir la comparaison.

Un sourire amusé aux lèvres, j'avançais, silencieuse et attentive. J'avais l'impression qu'ils me faisaient volontairement tourner en rond dans le château pour me désorienter, mais ce n'était pas vraiment important, parce que je ne prêtais pas attention au chemin. Je préférais écouter, espérant peut-être glaner quelque chose de plus intéressant que de simples commérages.

La seule chose qui retint mon attention fut une série de frottements de tissu discrets qui se glissèrent dans mon sillage dans les immenses escaliers en colimaçon. Privée de ma vue, je luttai quelques secondes pour les reconnaître, dans le capharnaüm d'échos de pas qui résonnaient entre les murs circulaires, haussai finalement les sourcils en les reconnaissant. Elle était silencieuse, autant – si ce n'était plus – que moi, avantagée par sa petite taille, même si son jean trahissait ses mouvements, alors que mes leggings en tissu chuintaient à peine. Pas d'irrégularités dans son pas, pas de pied sur lequel elle se serait appuyée un peu plus. Discrétion et efficacité. Adam l'avait bien éduquée, au moins là-dessus ; elle aurait fait une excellente voleuse.

Je poussai un discret soupir en parvenant à nouveau dans la zone froide et familière des prisons. Il était encore tôt, ce n'étaient pas des hurlements qui m'accueillirent, mais plutôt des râles et des grognements. Dans les secteurs communs, les détenus émergeaient lentement, comptaient leurs plaies de la veille, priaient pour que leur bourreau ait une indigestion au petit déjeuner. Et priaient pour un véritable petit-déjeuner, aussi, mais ceci était un détail.

On m'enleva mon bandeau quelques instants seulement avant de me jeter dans ma cellule mais, comme prévu, la porte ne se referma pas immédiatement après, mais avec un délai de deux secondes, juste le temps pour quelqu'un d'entrer.

— Tu avais guetté ma sortie ? me moquai-je gentiment.

Vanessa pouffa, s'étala sur mon lit, puis poussa un grognement agacé.

— C'est super dur !

Je tournai légèrement la tête sur le côté, avisai la métisse blonde qui faisait partie de mon quatuor de matons habituels, campée devant ma cellule. Elle guettait, le visage fermé, l'air hostile. Mais je ne savais pas si elle surveillait plus mon attitude, ou les paroles de la gamine. Dans un cas comme dans l'autre, elle était parée à intervenir au moindre geste suspect de ma part, et sa main crispée près de sa poche indiquait clairement que c'était elle qui avait la télécommande de mes menottes. Quelque chose dans son attitude me laissait également supposer que, comme la plupart des femmes du secteur, elle ne digérait pas ce qui s'était passé entre hier et aujourd'hui.

Je vins m'asseoir sur la couchette, à côté de ma visiteuse, qui se lova contre moi comme un chaton. Un irrépressible sourire aux lèvres, je refermai mes bras autour d'elle, savourant la sensation d'une telle étreinte. À travers ma fine chemise, je sentais son cœur battre contre ma poitrine, la douceur et la chaleur de sa peau.

Le Cycle du Serpent [I] : La Confrérie de LokiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant