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Soudain, mon téléphone se mit à vibrer dans mon espace magique. Je le fis apparaître d'un geste, consultai les trois bannières qui s'affichaient. Des SMS de Selvigia.

Où es-tu ? Kaiser veut te voir.

Me dis pas que tu es dans le Labyrinthe ?

Qu'est-ce qui se passe là-bas ?

Un soupir m'échappa, je tapai une réponse à toute vitesse.

J'ai retrouvé le tireur dans le Labyrinthe. Je nettoie la zone et j'arrive.

Le retour de ma sœur ne tarda pas. Court, concis.

Ça peut attendre. Magne-toi, Kaiser est FFF.

Je grinçai des dents, regardai autour de moi, inspirant à pleins poumons l'air vicié par la poudre et l'électricité. Le python géant siffla de colère, et je vis dans ses yeux jaunes fendus par des pupilles verticales qu'il aurait probablement préféré étrangler l'intruse de ses propres anneaux. Mais, après avoir dardé sa langue fourchue à gauche et à droite, il nous adressa ce qui ressemblait à un hochement de tête, avant de serpenter entre les branches du mur végétal le plus proche et de disparaître dans les profondeurs du dédale. Désormais certaine que la femme était partie, je fis disparaître mon casque, et me tournai vers mes hommes, transformant mon rictus en un sincère sourire.

— Bon boulot.

Le capitaine de l'équipe souleva sa visière et me consulta d'un regard interrogateur, une nouvelle étincelle de respect au fond des yeux. Comme il avait servi Ekrest par le passé, j'avais accepté son allégeance, en me promettant néanmoins de garder un œil sur lui les premières semaines, notamment parce qu'il m'avait paru un peu méfiant en ce qui concernait mon expérience du terrain. Mais, tout comme il venait de me prouver qu'il était capable d'obéir sans broncher, j'avais démontré que j'étais tout autant capable de gérer un groupe qu'une mission en solo.

— Faites un grand tour du Labyrinthe, vérifiez qu'il n'y ait personne d'autre.

Il hocha la tête. Ses cheveux bruns, ni courts ni longs, voltigèrent dans le mouvement, il chassa une mèche rebelle qui était tombée devant ses yeux d'un geste. Aujourd'hui, malgré son physique militaire clairement masculin, ses traits paraissaient un peu plus féminins. Même si on l'identifiait généralement à un mâle, sa manière d'agir, de se comporter, ainsi que son apparence, variaient en fonction des jours, tantôt femme, tantôt ambigu, tantôt homme. Aujourd'hui semblait être l'un de ces jours où il se choisissait un profil androgyne.

— S'il y a quoi que ce soit, tu m'appelles tout de suite, ajoutai-je. Pour l'instant, je dois y aller.

Il n'y eut aucune protestation. Frustrée de devoir les abandonner ainsi, je me redressai, me retransformai en oiseau pour entrer dans le Manoir par la fenêtre. Un accès peu conventionnel, certes, mais bien plus rapide que les couloirs bondés. Kaiser allait adorer.

Non, en fait, elle allait me tuer. Mais je n'avais pas le choix. « FFF », c'était « fatiguée, frustrée, furieuse ». J'allais me faire massacrer si je traînais en chemin, donc au temps choisir l'entrée la plus rapide.

Je pris mon envol, légère, agile, m'élançai en direction de la massive silhouette de pierre logée entre les parois végétales, fis deux grands cercles autour des toitures pointues du cinquième étage, puis descendis au deuxième niveau, me posai sur un parapet, puis toquai à la fenêtre du bout du bec. La commandante était assise devant son bureau – dos à moi, donc – mais Selvigia lui faisait face. Et, par conséquent, elle me voyait parfaitement. Elle se mordit bien visiblement l'intérieur des joues, parut se racler la gorge, et Kaiser, suivant son regard, pivota sur sa chaise de bureau. Immédiatement, ses sourcils s'arquèrent, faisant la course à celui qui irait le plus haut, frôlant tous deux la racine de ses cheveux. Elle m'ouvrit néanmoins et, dès que je fus posée sur le plancher de son bureau, je me métamorphosai.

Le Cycle du Serpent [I] : La Confrérie de LokiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant